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Lady Baker
8 mars 1916
Devon, Royaume britannique,
Je me sens fatiguée depuis quelques semaines. Je traine une certaine lassitude qui ne semble pas vouloir me quitter, malgré la colère que me cause cette maudite guerre qui a entrainé notre cher Édouard si loin de sa maison, dans les campagnes françaises de la Somme. Je tremble à l’idée qu’il ne rentre jamais…
Les journées sont longues, et cette ambiance morose n’est guère propice à la légèreté. Peut-être aussi est-il vrai que je m’ennuie… après cette vie trépidante que nous avons vécue, Samuel et moi, difficile de se contenter du quotidien…
Quand je me remémore ma jeunesse et le chemin parcouru, j’ai quelque peu de mal à croire que tout cela est vrai. Tant de fois, j’aurais pu, j’aurais dû prendre un autre chemin, être emporté par les tourments de l’Histoire. Et nob. Aussi improbable que cela puisse être, j’ai survécu, je suis là. Encore.
Tout avait pourtant bien mal commencé…
Je suis née en Roumanie, dans la province de Transylvanie, en 1841.
A l’âge de sept ans, la guerre m’a pris mes parents : j’étais orpheline.
Chassée de chez moi par la Révolution, j’ai été emmenée par les Turcs.
Élevée dans un Harem, vendue à 18 ans pour devenir l’esclave d’un Pacha.
Mais là la chance a tourné…
Sur le marché aux esclaves, où je venais d’être achetée,
Se trouvait, par hasard et par curiosité, un certain lord Anglais.
Il fut touché par ma jeunesse, ma beauté et ma tristesse
Il a décidé de m’enlever et de m’emmener avec lui.
Nous nous sommes enfuis.
De ce jour nous ne nous sommes jamais plus quittés,
Et quelques années plus tard, nous nous sommes mariés.
Nous avons exploré le monde et organisé des expéditions,
A la recherche des sources du Nil ou sur les terres d’Afrique,
Nous avons été reconnus.
Nous nous sommes battus contre l’esclavage et les esclavagistes,
Nous avons parfois failli y laisser notre vie.
Nous avons toujours respecté les peuples rencontrés,
Sans considération de race, de religion ou d’appartenance.
Tous égaux.
Et puis nous sommes revenus finir notre vie en Angleterre. Les premières années n’ont pas été facile, il a fallu nous faire accepter dans la bonne société. Mais, à force de persévérance, j’ai réussi. Il faut dire que j’étais devenue une experte dans la connaissance des Hommes, et la bonne société Anglaise était un peuple comme un autre, avec ses codes, ses rites, ses croyances : je n’avais plus qu’à les comprendre et les accepter.
Samuel est parti le premier et je me retrouve seule ici. Les journées sont longues quand on a connu la vie trépidante des explorateurs. Et maintenant, que me reste-t-il à découvrir ?