Destination : 16 , Verlaine en filigrane
Orage d'automne
Je ne sais pas ce qui m'a réveillée cette nuit-là.
Etait-ce la violence de la pluie qui allait en augmentant? le bruit
des vagues déchainées s'écrasant sur les rochers de la mer toute proche
ou les sanglots du chien apeuré, seul dans la nuit par cet orage?
Inquiète pour les enfants, je me suis levée de mon lit, j'ai longé le
couloir à tatons dans le noir quand, me parvint du salon au
rez-de-chaussée, une musique à peine perceptible: le son d'un violon
ai-je pensé très vite.
Pourtant, personne ne savait jouer du violon et nous n'en avions pas à
la maison.
Chaque automne depuis quelques temps apportait son lot d'étrangeté!
J'ai oublié les enfants et j'ai pris l'escalier le coeur battant. Une
langueur incompréhensible s'empara de moi quand, à la musique, s'ajouta
un chant monotone. L'atmosphère en devint suffocante.
Blème de peur, je ne savais si je devais faire marche arrière ou
continuer.
Je n'étais pas au bout de mes peines: un réveil au loin se mit à
sonner, me faisant sursauter, mais je repris vite mes esprits: il
devait être quatre heures. Je me suis souvenue l'avoir remonté pour
terminer ce travail ancien d'un mois et que je n'arrivais pas à faire
avancer.
J'en étais ainsi dans mon hésitation quand, un vent mauvais fit ouvrir
avec fracas les fenêtres du salon.
Il emporta mes feuilles laissées la veille éparpillées sur la table:
j'en oubliais ma peur et le son du violon et me mis à courir pour les
ramasser: ce travail était trop important pour moi pour le laisser
partir, aujourd'hui je souris en me disant qu'il n'aurait pas pu aller
bien loin.
Mais la panique de cette nuit-là, m'a fait perdre la mesure des
choses.
Mes feuilles ramassées, ma peur reprit de nouveau mais pas pour
longtemps: la musique venait de l'ordinateur, un disque que mon fils a
dû mettre et oublier d'éteindre. Ainsi, il a veillé très tard encore
une fois!
Morte de rire, j'ai tout éteint. Malgré ma bonne volonté, je ne
pourrais pas travailler.