Destination : 10 , Road Movie


Et d'aventure en aventure

Je devais me rendre à la ville de T. où se tenait un congrès de psychiatrie. Mon ami le professeur RIEL donnait une conférence qui ressemblait fort à une confession. Il s'était trompé au sujet d'une de ses patientes la déclarant incapable de "passer à l'acte" hors cette femme, en état de délire, avait commis un crime odieux dont je vous épargnerai les détails.

Je devais le soutenir. Tel un David se confrontant au Goliath de la Faculté, il allait démontrer les faiblesses, les lacunes et les approximations des méthodes psychiatriques en ce qui concernait le "passage à l'acte" chez certains malades.



J'avais à affronter trois heures de train et même en voyageant en 1ère classe, ce moyen de transport me chamboulait la tête et l'estomac. Je n'avais pas le choix, c'était la solution la plus rapide et la plus sûre.



Le train s'ébranla à six heures précises abandonnant une gare déjà bourdonnante. J'étais fatigué, nerveux et envahi par un froid inexplicable.

J'avais sorti et rangé plus de dix fois mon billet et ma carte d'accès au palais des congrès. Les fermetures de ma valise donnaient des signes de lassitude et cela m'inquiétait.



Confortablement installé, je regardais les métamorphoses du paysage. Les villes s'amenuisaient, les champs de blés, de colza et de maïs se taillaient à présent la part belle du paysage à peine déranger par des fermes longilignes. Des collines se déguisaient en forêt et toujours le salut furtif et régulier des poteaux électriques.

J'ouvris un livre et une carte postale en tomba. New-York. La statue de la liberté tendait son bras vigoureux vers le ciel, dans son dos des buildings rivalisaient d'audace architecturale. Rita se rappelait à mon bon souvenir.

Comme nous avions été heureux à New-York, marchant main dans la main au beau milieu de la Cinquième Avenue devenues piétonne à l'occasion des fêtes de Noël. L'éblouissement en sortant de la station de métro Chinatown de retrouver une Chine bien lointaine, les librairies salons de thé et salles de concert de Greenwich-Village, le quartier italien et ses "Mama" s'interpellant dans leur langue aux fenêtres. New-York tant de souvenirs tendres et émouvants.

C'est décidé ! Je ferai une nouvelle visite à Rita bientôt.



Le froid intérieur me quitta peu à peu. Je somnolais puis finis par m'assoupir. Le changement de rythme du train me réveilla soudainement.

Le paysage était d'un vert plus intense. Des vignes alignaient leurs bataillons. Je n'étais plus loin de ma destination.

En tirant ma valisette du porte-bagages je remarquais qu'une des fermetures s'étaient cassée. Je l'obligeais malgré tout à jouer son rôle élémentaire. Cochonnerie de vieille valise que je conservais par affection stupide !

Je descendis du train les pieds incertains.



La lumière qui régnait dans la gare m'aveugla. La chaleur était intense et je me débarrassais de mon veston. Une odeur nauséabonde agressait les narines. C'est étrange la gare semblait être surtout fréquentée par des policiers et des militaires. Un coup d'état s'était-il déroulé tandis que je voyageais ?

Je me souvenais de deux coups d'état auxquels j'avais échappé de justesse en Afrique et en Grèce.

La panique commençait à farfouiller mon ventre. Trouver vite un kiosque, des journaux avaient peut-être eu le temps de titrer sur les évènements.



On me frappa sur l'épaule je sursautais violemment. C'est le Professeur RIEL en piteux état. "Mon pauvre vieux tout est annulé. J'ai eu un mal fou à venir jusqu'ici. Une grève des éboueurs qui tourne à la révolution. Des monceaux de sacs d'ordure partout. Des manifestations qui dégénèrent. L'armée a été appelée en renfort. La police vient de boucler la gare. Nous allons sauter dans le premier train qui part. Quel malheur j'avais tant de choses à dire".

Prostrés, nous nous mîmes à attendre.

EVELYNE W