Destination : 330 , 7, square Ailleurs
Le guide
Allons, venez arpenter la rue qui n’existe plus.
Vous questionnez : « Dans quel village, dans quelle région de France et de Navarre ? »
Qu’importe puisque la rue a disparu.
Elle avait une longue histoire, je vous l’assure, elle aurait pris naissance au Moyen Age, quelques façades boursouflées, de vastes caves empierrées pour entreposer grains, huile et vin, auraient pu l’attester. Et même, gardez bien le secret, un paysan dans son champ, aurait déterré, sans l’avoir cherché, un trésor de pièces d’or portant l’effigie de César.
Les siècles passent sur la rue qui n’existe plus avec, dans leurs bagages, des guerres, des épidémies, des désirs d’industrialisation, de modernisation.
Le maréchal ferrant à disparu une voie ferrée est née. Une usine de textile a assis son énorme postérieure sur les champs de blé, de seigle et d’avoine.
Faisons surgir de la brume du passé, dans la rue qui n’existe plus, le vieux café-restaurant « Au père tranquille ». Venaient souvent y dilapider leurs maigres salaires, ouvriers et ouvrières.
Le patron s’appelait Jules, il était vieux mais pas du tout tranquille, un ancien militaire qui avait conservé son sabre. Dès qu’il le brandissait on pouvait entendre une mouche voler dans l’estaminet. C’est Violette, sa fille, qui faisait la cuisine et le ménage. Une vraie bête de somme, maigre, sale et méchante.
Le jour où elle s’en est aller se noyer dans l’étang, certains ont eu pitié.
Là, se tenait la boulangerie pimpante, joyeuse avec ses étagères tapissées de longs napperons de dentelle supportant les miches de pain, les brioches et les bocaux de bonbons. Dès quatre heures du matin, le boulanger, un taiseux aux yeux tendres, malaxait la pâte et à six heures, une odeur de paradis s’échappant du soupirail et vous agrippait par le nez.
Ici, les sœurs Delabagatelle, régnait sur une mercerie. Une jolie profusion de boutons, de fils, de laine, de ciseaux, d’épingles et de revues de mode.
Plus loin, nous passerons devant l’herboristerie. Encore un nid de senteurs. L’herboriste et sa femme étaient des modèles de sagesse, de patience et de propreté. On était tout ému lorsqu’on poussait la porte et que retentissait la voix aigrelette d’une petite cloche.
Un jour, la femme de l’herboriste a perdu toute étincelle de vie dans son regard. Elle restait assise sur une chaise toute la journée, les mains jointes, rêveuse. De temps en temps, le chant de la clochette la faisait sourire tristement.
Beaucoup de choses à vous montrer encore dans la rue qui n’existe plus mais le temps presse, le vôtre et le mien. Tant de lieux disparus, engloutis, rasés, à visiter.
À la revoyance étranger !