Destination : 77 , La disparition


Escapade nocturne


Escapade nocturne



Isolée dans un îlot de verdure, La maison médicalisée est éloignée du village de cinq cent mètres environ. Les locataires y vivent une vie calme, c’est la seule chose calme d’ailleurs ici. En ce début de nuit, dehors, la tempête sévit.
Il vient de sortir de la « grande maison » comme il l’appelle, en utilisant une issue désaffectée depuis longtemps. Il est vêtu de vêtements légers et s’est jeté sur les épaules un gilet accroché à l’espagnolette d’une fenêtre du couloir. Il se l’est approprié d’autorité.
Notre octogénaire, est un grand individu « de taille », une vraie armoire à glace n’aimant à aucun prix, s’en laisser compter. Il supporte mal l’ambiance à l’intérieur de la demeure, il a donc décidé de fuir. Avec son épouse, soumise et dévouée Il avait toujours été habitué à être servi docilement ; aujourd’hui celle-ci disparue, il doit se contenter d’une domesticité supposée malfaisante.
Dehors il fait nuit noire, le vent souffle en tempête, amenant des vagues d’averses successives, déversant ainsi des trombes d’eau glacée sur la campagne endormie. Depuis son départ, il marche dans la grande allée, tentant de se cacher au moindre son étranger. Craignant d’être découvert, lorsque l’on constatera sa disparition, il décide maintenant de laisser celle-ci et marcher dans une allée de la forêt voisine. Il aime la solitude « au moins là se dit-il on me laisse tranquille » ainsi se trouver seul la nuit ne l’effraie nullement. Il aime mieux la forêt aux champs ; grandes surfaces désolées, ventées et sans abris, se trouvant à côté de la grande maison dont il souhaite ne plus jamais voir les murs.
L’inconfort de la situation est accessoire à ses yeux, il est cependant trempé jusqu’à l’os et grelotte de froid. La fatigue commence à se faire sentir. Une grande lassitude commence à lui raidir les jambes et ses souliers emplis d’eau n’arrangent pas l’affaire. Il a l’impression de se geler de l’intérieur, le froid progressant le long des jambes jusqu’au ventre. Au fur et à mesure de son cheminement, ses songes tournent dans sa tête. Il s’imagine déjà à l’agonie sur le côté du chemin… et scrute les alentours espérant trouver un abri et faire un arrêt. Il maugrée contre le monde entier de l’obliger à telle dépense d’énergie, tout çà à cause de ces gens détestables.
Il n’a élaboré aucune stratégie et ignore l’endroit où il va, il veut simplement fuir, mais maintenant il n’en sait goutte de tout de son cheminement ! Si l’allée forestière n’avait été droite à l’origine, il aurait pu arriver à la grande maison sans s’en apercevoir, tellement la fatigue le dépossède de minute en minute, de toute conscience du danger.
Animé d’une volonté farouche de lutte, il se jette des défis. Ainsi, s’imagine t’il voir une cabane, à une centaine de mètres de là et de se lancer en avant, décollant du sol ses souliers embourbés dans la glaise, finissant ainsi d’user ses dernières forces.
La chute est inévitable. La grande carcasse s’abat lourdement sur le sol détrempé. Il essaie de se lever, mais glisse à nouveau, sa faiblesse est trop grande, il est épuisé. Il semble abdiquer, lorsqu’il croit apercevoir loin dans l’allée, des lumières vaciller, et dans le silence de la nuit, des gens crier, mais il ne veut plus entendre, plus voir !...

Jean Luc BERGER

Jean Luc