Destination : 26 , Une bouteille à la mer
Poste restante
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Je ne crois pas en toi.
Je t'ai longtemps appelé,
comme l'orphelin réclame sa mère morte et l'imagine, tendre, aimante, quelque part, dans le vide vertigineux d'une vie d'homme.
Comme le balancier du funambule, vacillant sur son fil.
L'idée du balancier suffit-elle pour lui faire conquérir l'équilibre ? Ton idée ne m'a pas aidée.
Si le funambule n'est pas tombé, est-ce miracle, ou conquête du vide, dure victoire sur le vertige ?
Je t'ai longtemps convoqué au tribunal de mes accusations . Féroce inquisitrice, j'ai lacéré ton nom, déchiqueté ton image . J'ai jeté à ta sainte figure les horreurs qu'on commet en ton nom. J'ai craché à ta face le mal que tu permets.
J'ai stigmatisé ton indifférence, flagellé ta complaisance, crucifié ta terrible, ton impénétrable volonté.
J'ai boxé le vide, obstinément, pour rendre les coups qui me faisaient si mal.
Pour ne plus subir.
J'ai lutté avec l'ange, toutes les nuits.
A l'aube ton fantôme se dissipait, à l'aube lucide.
J'ai appris à vivre sans toi.
Seule.
Ma vie d'être humain.
Et si je t'ai trouvé,
c'est en mes compagnons de souffrance et d'espoir.
Dans le don du cyanure et le partage de l'eau-de-vie.
Dans l'eau fraîche du rire et des regards amis.
Dans la tendre inquiétude et le silence ému.
Dans la beauté du poème.
Et si je t'écris,
dieu caché,
dieu absent,
dieu inexistant,
si je lance aujourd'hui cette bouteille flottante au gré de l'océan des ondes,
c'est pour qu'un internaute, marin-poète, vienne à ma rencontre en mon îlot perdu,
naufragé,
et que se noue l'amitié,
l'humanité,
ma divinité.
Mon salut.