Destination : 179 , Extraits naturels de rentrée
Polar-SF
L’auteur :
Akihiko Katzuka est né en 1963 à Clermont-Ferrand, d’un père japonais, ingénieur chez Michelin, et d’une mère américaine, professeur d’anglais et noire. Depuis sa plus tendre enfance, Akihiko sait qu’il est un Auvergnat un peu différent, et c’est cette originalité imposée qu’il a toujours transmis aux personnages de ses romans les plus célèbres, qu’il s’agisse du détective finlandais Boubacar Kaurisaami dans «Le crime du bus nolisé de Trois-Rivières», de la prostituée de luxe Marie-Chantal Jackson de La Vega, héroïne du vertigineux «Corps éparpillés de Moscou à Vladivostock», ou encore l’inoubliable enfant perdu dans «Improbables parents», oeuvre majeure et presque autobiographique dont l’action est tiraillée, comme son héros, entre Kyoto, Oakland en Californie et l’Auvergne, son seul vrai point d’attache. C’est d’ailleurs là qu’Akihiko Katzuka vit toujours, avec son épouse, directrice d’une laiterie à Saint-Nectaire, et sans enfants : «j’ai assez à faire avec mes personnages», a-t-il coutume d’expliquer en riant, manière sans doute pour lui de masquer de diffuses et profondes douleurs.
Le synopsis :
Avec «La Lune dans le collimateur», Akihiko Katzuka revisite l’histoire récente et met un pied dans le «space opera», tout en gardant l’autre dans le polar noir de chez noir. Lors d’une expédition sur la Lune en 2032, Sven ben Berrada, géologue franco-américain découvre dans une grotte proche de la mer de la Tranquillité, une tombe, extraordinairement banale, avec une plaque de marbre et un caveau dessous, entourée d’un petit enclos grillagé et un pot de fleurs en plastique posé dessus! Rien n’est gravé sur la pierre massive, mais dessous, il y a un cercueil en chêne, et dedans, un corps. Celui d’une femme. La sienne...
L’extrait :
Depuis son arrivée sur la Lune, Sven était très occupé. En passant de son laboratoire, un lieu pressurisé et où la pesanteur était reconstituée, vers le sas où se trouvaient les combinaisons pour sortir à l’extérieur, il pesta une fois de plus : «c’est ma dernière mission sur cette foutue planète ! Je ne supporte plus. C’est trop loin de tout. J’en ai ma claque...»
C’était son troisième séjour, sur la base. Seul scientifique au milieu de militaires, il avait déjà passé à deux reprises six semaines à ramasser des cailloux, sortes de nodules polymétalliques, et à les analyser. Rien que de la routine. Chaque jour les deux heures de sortie ne lui permettaient même pas de s’amuser avec la pesanteur bien moindre que sur Terre, non. Un quelconque énarque interplanétaire avait décidé un jour que, si les astronautes jouaient avec ça, il y avait un risque d’accident et une telle éventualité faisait frémir d’angoisse les responsables de la comptabilité des missions! Semelles de plomb aux pieds, donc, comme dans «Vingt mille lieues sous les mers», comme si par un fait exprès on avait voulu rendre pénibles les seuls moments de plaisir à prendre sur la Lune ! C’était, Sven en était convaincu, une manifestation inconsciente de la jalousie des Terriens, scotchés sur leur planète en piteux état, vis-à-vis de ceux qui s’en échappaient, même pour peu de temps.
Le reste de ses journées était glauque : les repas avec ses compagnons, absolument indifférents à sa mission et à lui-même, et son labo, bardé d’ordinateurs.
Seule fantaisie, obtenue de haute lutte avec l’administration spatiale : le vieux réveil de son grand-père, qu’il avait pu emporter avec lui. A 15h00 chaque jour, heure lunaire, il sonnait bruyamment : c’est alors qu’il appelait sa femme, à San Giminiano, en Toscane, pour qui c’était le matin.