Destination : 17 , Le journal d'Ateliériste jones


Deux jours dans la peau d'une frustrée

Samedi 31 janvier





Nombre de minutes pour sortir du lit : 43, pourcentage de neurones activés au réveil : 10, pourcentage de neurones activés dans la journée : 25 (en progression), bafouillages à la minute : 5, minutes à bafouiller : 158.







11 : 00. Heure à laquelle j’ai fait surface. Ai décidé de positiver, après tout je suis une femme séduisante. Question à un million d’euros : comment me fringuer ? Ai pris les choses en main : mini jupe, talons aiguilles, maquillage de feu. La nouvelle Julia Roberts est née. Après une heure cinquante trois minutes dans la salle de bain, décide enfin d’admirer le résultat.



Me regarde dans le miroir de la chambre, et là : effondrement. Julia Roberts est plus belle en photo. Ai serré très fort mon oreiller dans les bras comme si c’était le crâne de cette pétasse d’actrice, jusqu’à le faire exploser. Toute façon cette conne est anorexique, elle a une bouche tellement grande qu’elle ferait concurrence à toutes les putains et en plus elle est mariée à un cameraman. Elle profite même pas de sa notoriété pour coucher avec George Clooney.



Merde ! me regarde dans la glace : Julia Roberts s’est liquéfiée avec le maquillage. Dirait que je suis dans le remake raté d’un film d’horreur des années 70. J’sais même pas pourquoi je dis ça, j’étais pas née en 70. En plus d’être moche, j’suis très conne.



Crise de nerfs : commence à m’insulter devant le miroir (je sais je deviens schizophrène), ça dure pendant quinze minutes. A force de hurler comme une dingue, commence à être essoufflée. Décide de me calmer en matant la télé. L’écran s’allume et qui vois-je apparaître comme un astre flamboyant avec ses cheveux qui virevoltent au ralenti : JULIA ROBERTS !!!







17 : 00. Rentre juste de mon rendez-vous chez l’esthéticienne. Ai été contrainte de souffrir pendant une heure en compagnie de cette dépoileuse diabolique. Ai presque tremblé en la voyant brandir sa cire archi brûlante. Les mecs eux voient pas comment il faut qu’on souffre pour être belle (ou plutôt pour être moins laide). Tiens, ça me donne une idée : quand un gars me plaquera pour une minette qui fait treize kilos, je rentrerai chez lui la nuit et lui épilerai le maillot. Ah, ah ! j’vois d’ici la tête paniquée du bonhomme !



Mais le pire c’est que ces espèces de sans cerveau d’arracheuses de poils, elles savent pas entretenir une conversation. Tout à l’heure, histoire de taper la causette, je lui dis que semaine prochaine je passe des partiels. Et qu’est qu’elle me répond, cette dinde poudrée : << Mais c’est des vrais partiels que vous passez ? >>. Ah la la, j’te jure, comme si la couche qu’elle avait sur la gueule était pas assez épaisse !







23 : 30. Vais me coucher. Ça m’épuise ces séries plus que débiles (d’ailleurs je me demande pourquoi je les regarde), mais bon ça occupe. Ils prennent bien les gens pour des cons quand même, comme si c’te blondasse pouvait tuer des monstres en se démenant dans la bouillasse et ensuite être nickel chrome dans la scène suivante …



Enfin faut que j’arrête de râler sinon pourrais pas m’endormir.







Dimanche 1er janvier







Nombre de minutes pour sortir du lit : 35 (en progrès), pourcentage de neurones activés au réveil : 0 (deviens décidément de plus en plus conne), pourcentage de neurones activés dans la journée : 3 (et oh, c’est dimanche merde !), bafouillages à la minute : 23, minutes à bafouiller : 352 (conséquence directe du nombre de neurones activés).







11 : 53. Dis donc, tu deviens de plus en plus flemmasse. Ai enfilé tranquillement mes pantoufles quand soudain : accélération des battements de mon cœur, goutte de sueur au bord du suicide sur le bout de mon nez, avais complètement oublié : RENCART ! En plus, pour une fois que j’en ai un, je devrais m’en souvenir (j’y pense : c’est pour ça que j’avais pris rendez-vous chez l’esthéticienne hier). Ça va, respire ! t’as le temps c’est qu’à 19 h. Bon sang ! 19 h !!! voilà que j’recommence à paniquer, je m’agrippe au dossier d’une chaise pour reprendre mes esprits. J’énumère toutes les choses que j’dois faire afin d’être parfaite pour l’heure fatidique. J’aurais jamais le temps, la perfection demande des heures et des heures de concentration ! il aurait fallu que je m’y prenne au moins la veille. Bon, maintenant tu vas fermer ta gueule et t’activer.



Résultat : ai eu l’impression d’être un personnage de film quand on passe la cassette en mode accéléré.







18 : 00. Bientôt, bientôt …



Bon il me reste une heure pour choisir mes fringues, enfin 45 minutes, si je veux avoir le temps de décompresser avant qu’il arrive et si j’inclus la possibilité qu’il pourrait être en avance.



J’ouvre l’armoire et là, le choc : tous mes soutifs sont au sale ! je devais faire une machine après-midi, mais avec tout ça, ça m’était complètement sorti de l’esprit !



Vais devoir mettre un truc pas trop décolleté. Voyons voir … je cherche, je cherche, mais malgré moi mon regard est aimanté par mon petit haut rouge tellement sexy … mais aussi, tellement décolleté !



Bon, j’peux bien l’essayer, ça m’engage à rien.



Je jette un coup d’œil dans la glace : oh ! ça se voit pas, j’peux bien le mettre, il suffit que je me baisse pas, et ni vu ni connu.







19 : 00.



Ça sonne, ponctuel le p’tit gars !







22 : 00.



Je sais, je rentre tôt. C’était vraiment un cauchemar ce soir ! Premièrement ce con (pour être poli) m’emmène, vous savez où ? dans un Mac Do, j’en ai rencontré des radasses, mais à ce point quand même !



Puis, on commence à discuter (enfin, si on peut appeler ça discuter), et je m’aperçois que c’est un gars qui s’intéresse à rien. J’ai l’impression de parler à Forrest Gump mais, qui se serait fait extraire la moitié du cerveau. Il ponctue mes phrases de ouais, ouais, c’est cool, j’hallucine, il a autant de conversation qu’un muet aveugle.



Ah ! si j’avais su je me serais pas autant casser la tête pour lui.



Puis, au bout de quelques minutes, je m’aperçois que ses ouais sont de plus en plus espacés. Quand, tout d’un coup, j’aperçois ses yeux qui s’enfoncent littéralement dans mon décolleté.



Me lève d’un bond, et file dans les toilettes pour voir ce qui se passe.



Et là, mes yeux sont horrifiés ! voilà que j’avais un bout de téton qui dépassait. C’était la pire chose qui pouvait m’arriver.



Bon, me reste qu’une seule chose à faire : ME TIRER !



Vérifie qu’il a toujours le dos tourné, puis, m’élance hors des toilettes et déguerpis dans le tram.



Morale de la soirée : ne jamais porter de décolleté sans soutien-gorge !

Karine