Destination : 93 , 100 % paroles
Chute libre.
_Je vous trouve bien pâle pour une si jeune personne installée
à mes côtés.
_Oui je vous vois un peu mieux maintenant avec votre moustache
naissante au-dessus de votre petite bouche pincée par l'angoisse, les fins
sourcils blonds surlignant des yeux en amandes pour l'instant
fermés. La couleur gris cendrée prise par la peau de votre long
visage. Vos cheveux blonds ébouriffés par le vent.
_Vous voulez un peu d'eau ?
_Vous ne pouvez pas me parler?
_ Je n'arrive pas à comprendre vos drôles mouvements de
tête?
_ Alors je vais en profiter pour vous raconter l'histoire de ma vie,
d'habitude personne ne m'écoute mais là comme vous êtes
sanglé sur ce siége voisin du mien en grande détresse morale et
physique, je vous sens prêt à m'écouter.
_Tiens vous avez ouvert vos yeux, je trouve leur couleur
magnifique ce bleu océan va m'inspirer.
_Je suis donc né en Asie, il y a cinquante ans. Mes parents sont
morts dans un accident de voiture le jour de mes dix ans. A vingt ans je
gagne mon premier million de dollars en bourse; à trente ans ma
troisième épouse demande le divorce et la garde de nos cinq
enfants après m'avoir surpris dans le lit conjugal avec ma
première femme dont j'avais divorcé quelques années
plus tôt; à quarante ans je réchappe de justesse à
l'attentat contre la statue de la liberté (d'ailleurs ma photo
sur cette évènement à fait le tour du monde); pour finir
c'est mon anniversaire aujourd'hui et...
_Stop!
_Hein, quoi vous parlez mais ce n'était pas prévu!
_Oui je parle et ferme- là par pitié! Ce n'est vraiment pas le
moment.
_Me taire moi, Armand de la Hautiére, dernier du nom? Il en est hors
de question. Rien ne m'empêchera de parler et surtout pas vous et,
au fait, vous vous nommez ?
_Max Finn et je vous supplie d'arrêter de jacasser. Vous fatiguez
moi et les gens autour de nous. Surtout, et je ne sais pas si vous
vous en rendez compte Armand, mais vous hurlez depuis le début de votre
monologue, alors suffit !
_Comment osez vous m'appeler par mon prénom et ce ne sont pas
deux ou trois péquenots, eux aussi bloqués sur leurs fauteuils, qui
vont décider pour moi ?
_Mais bon sang ! Je vais vous mettre un bâillon sur la bouche si
vous continuez. Vous ne voyez-vous pas la terreur sur nos visages, la
peur de mourir dans nos yeux? Et vous, la seule chose vous venant à
l'esprit et à la bouche c'est l'histoire de votre vie. On
s'en fout, laissez-nous en paix Armand.
_ Bien, Max si je peux me permettre, vous savez ce n'est pas des
projections sur nous de morceaux de métal arrachés aux parois, le
vent entrant dans notre petit espace pour nous secouer et nos corps
attirés vers l'avant à grande vitesse qui vont m'impressionner et me rendre muet.
_Vous savez Max, je voulais seulement combler le grand silence de
nos peines, par les mots de nos vies avant le grand bang, c'était
simplement cela.
_Je vous comprends Armand et je suis content de vous avoir connu et
si vous le voulez bien nous pouvons faire encore une chose.
_ Je vous écoute.
_ Armand et vous autres, unissons notre force dans un ultime cri
d'adieu pour nos proches et amis avant notre prochaine disparition.
_Je suis d'accord Max, dit Armand, essuyant quelques larmes sur son
visage devenu blanc. Donc, tous ensemble, dans un grand cri:
_AU SECOURS!!!
_NOUS VOUS AIMONS MAIS NOUS ALLONS TOUS MOURIR.