Destination : 103 , La fleur d'oranger séché
4 femmes 4 âges de la vie
Une maison ancienne, au fond d’une allée tranquille et arborée, son banc en bois d’acajou aux pieds de fer forgé, son cerisier en fleurs.
Dans l’entrée, un chapeau de paille accroché au mur face à la porte de bois ouvragé.
De la cuisine s’échappent des voix et des rires de femmes. Aux tonalités tantôt chaudes et graves, tantôt fraiches et pointues, on devine la diversité des âges et des générations.
Madeleine est là, présente dans cette maison de campagne, maison de famille, maison des retrouvailles entre cousins, entre générations, assurant le lien entre elles.
Aujourd’hui elle fête ses 55 ans et pour cela elle a voulu réunir ses enfants, ses frères, ses neveux et nièces.
Les quatre femmes s’affairent, préparent les toasts, surveillent le gigot, décorent le gâteau d’anniversaire, chacune selon sa spécialité, chacune selon son rôle et tout en s’affairant, elles papotent. Seule Anaïs ne fait rien, son statut de femme enceinte la dispense de toute activité. En peu en retrait dans un angle de la cuisine, elle participe activement à la conversation tout en jetant un œil tantôt dans le salon où se tiennent ces messieurs, tantôt dans le jardin ou s’égaient les enfants.
« Alors Camille, tu en es où de tes amours, toujours avec ce beau brun à l’allure mi bourgeoise mi bohème ? » demande Valérie à sa cousine.
« Mais oui, je suis en train de battre mon record de longévité, 10 mois que nous sommes ensemble et je ne suis pas lassée ! »
« Attends un homme qui apprécient les bas up et pour lequel tu investis dans des préservatifs king size, forcément tu ne t’en lasses pas comme ça ! »
Mais comment tu sais ça Anaïs ? Je ne t’ai jamais parlé de ça, enfin !!!
Et, oh ça va inutile de jouer les innocentes, les bas up désolée ma petite sœur chérie mais c’est toi qui m’en a parlé le mois dernier à la soirée de notre cher cousin commun, quant aux préservatifs ils sont tombés de ton sac quand tu es allée te refaire une beauté juste avant son arrivée à cette même soirée ? »
Euh c’est quoi les bas up ?
Ah ma pauvre Valérie, toujours une guerre de retard, ce sont des bas qui tiennent tout seuls, évidemment »
« Ah ceux pour femmes paresseuses, avec de jolis bords en dentelle, je vois »
« Oui évidemment en ce moment tu ne dois pas en porter beaucoup »
« Non mais qu’est ce que vous insinuez là ? Vous croyez que j’ai oublié ou quoi ? »
« Non bien sûr mais disons que tu pratiques sans doute moins, vu ton état »
« Ah mais détrompez vous mes petites chéries, figurez vous que la grossesse n’est pas incompatible avec une vie de femme épanouie, n’est ce pas Valérie ?
« Euh oui maman mais enfin ça dépend, enfin moi, je…enfin disons que Franck ne me trouvait pas très séduisante, alors… »
« Ah bon ça alors, c’est vrai que je l’ai toujours trouvé lourdaud ton mari. Moi tu vois de ce côté-là avec Xavier pas de souci »
« Oui évidemment tu es enceinte de 2 mois et tu as du prendre 1 kilo, on en reparlera dans 6 mois quand tu auras 15 kilos en trop et des vergetures. »
« Oh là comme tu y vas, des vergetures tout le monde n’en a pas, d’abord »
« Dis moi tu en as eu toi Maman des vergetures ? »
« Jamais pour aucune d’entre vous, et je peux vous dire que Jacques m’a toujours regardé comme une femme séduisante et désirable »
« Waouh, maman on va tout savoir de ton passé »
Mon passé non mais entendez moi ça, mon passé, parce que vous croyez qu’à 55 ans tout est fini pour moi et pour Jacques. Ah là là, vous êtes bien naïve mes chéries »
« Non, maman, non Madeleine, allez tu nous fais marcher »
« Quoi, comment ça je vous fais marcher »
Mais qu’est ce qu’elles croyaient les petites chéries, qu’ils n’y en a que pour celles qui portent des bas up, des slips brésiliens en taille 38 sous une robe de satin de la même taille ? A cet instant Madeleine regarde ses filles et sa nièce avec un soupçon d’agacement et une pointe d’amusement, elle leur trouve un air de poulette éplorée pour l’une, de bécasse voire d’autruche pour les deux autres.
« Avez-vous déjà regardé dans mon armoire à pharmacie les filles ? »
« Ton armoire à pharmacie, oui tout en haut je trouve toujours ce que j’oublie pour les petits. Ce qui ne sert plus depuis longtemps, des brosses à dents d’enfants et un canard en plastique. Thibaud me le réclame à chaque fois qu’il prend le bain ici. »
« Oui très bien et plus bas ? »
« Plus bas juste en dessous, je trouve également le thermomètre, des pommades, celles pour les contusions, du paracétamol »
« Exact, ma fille, tout ce qui peut servir quand ça va pas trop bien et qui s’utilise sans ordonnance. Et encore plus bas, c’est l’étage des jours où ça ne va mal et tout ce qui s’achète sans ordonnance. D’ailleurs avec les petits je devrais changer tout ça de place. Mais n’avez-vous jamais regardé tout en bas ? C’est l’étagère de tout ce qui sert quand tout va bien. »
« Ah et qu’est ce qu’on trouve sur cette étagère ? Allez dis nous, maman. Allez Tatie chérie, ne nous fais pas attendre. »
Madeleine n’était pas mécontente de son petit effet.
« Et bien on y trouve du lait de toilette parfumé pour se faire une peau de pêche douce et tendre, du rose pour les lèvres, du rimmel et, et…. »
« Allez quoi, on veut tout savoir, nous ? »
« Et bien du gel intime et du Viagra, pardi »
« NOOON, toi et Papa, mon oncle !!!!
Et Madeleine dans un grand éclat de rire, rejeta sa tête en arrière, prit un plateau chargé de toast et s’en alla rejoindre le salon où elle enlaça Jacques d’un air mutin.
