Destination : 3 , Chambre avec vue...
Mais mes fenêtres sont closes
Mais mes fenêtres sont closes...
Placées sous haute surveillance depuis qu'en toute innocence
je manquais de passer par l'une d'elles,
les fenêtres de mon enfance étaient des fenêtres fermées.
Collant le nez à la vitre qui tout aussi tôt se voilait,
j'essuyais la buée vite, vite, pour voir y passer,
le cheval du laitier et tous les autres petits métiers.
Du vitrier au rétameur, chacun portait son établi
ou leroulait sur une charrette.
Ainsi faisaient le glacier et le marchand d'habits
chiffons, qui lui, passait à midi
et y allait de sa petite chanson :
-Haaaaabits !Chiiiiiifons ! Ferrailles à vendre !
Quelques fois un chanteur des rues
venait faire la manche sous nos fenêtres ;
c'est en voulant voir celui qui chantait si bien
« reviens veux-tu ! »,
que j'ai failli, à l'age de quatre ans
partir, pour trois étages plus bas et sûrement
six pieds sous terre !
Plus tard j'ai eue des fenêtres qui du 10 ème étage
donnaient sur des toits et le port de Gennevilliers.
Je les surveillais de près ces fenêtres
car mes filles avaient la fâcheuse manie de vouloir s'y
pencher ; le vice était-il héréditaire ?
A présent mes fenêtres donnent sur des doline
éloignées et boisées de chênes verts.
Par beau temps quand le mistral a balayé le
ciel des brumes de chaleur, au loin,
je vois la mer et perchée sur mon
tabouret je rêve de croisière, derrière ma vitre fermée.