Destination : 149 , Le retour


Aller-retour (suite)

Sur le quai de la gare, dans cette nuit glaciale, il trépigne. Les mains, enfoncées dans ses poches, il triture le vieux ticket sur lequel elle avait gribouillé :

―Retour dimanche même heure.

Un moineau transi sautille autour d'un morceau de pizza. Il a pensé à elle toute la semaine, a imaginé différents scénarios. Les trains se croisent. Les voyageurs se dépêchent, trainant leurs lourds bagages. Il est prêt pour l'aventure.

Le jingle de la SNCF alerte ses sens et une voix suave annonce son train. Le ticket est en miettes dans sa poche et son cœur s'affole. Il a pensé ne pas venir à cet étrange rendez-vous. Déjà, les phares de la locomotive apparaissent dans la courbe des voies, au ralenti. Le train s'arrête devant lui. Les portières s'ouvrent et déversent un flot humain. La foule le bouscule , il se met de côté. Des visages défilent, emmitouflés, souriants, fermés, bavards. Il cherche les yeux noirs et la valise rouge. Cette effervescence lui donne le tournis. Il ne la trouve pas. Peu à peu, la marée de gens se disperse.

La pendule, implacable, laisse défiler les minutes, inlassablement. Un grand vide s'installe dans son cœur. Va-t-il attendre le train suivant ? Il sourit comme pour se moquer de lui-même.

Frigorifié, il se réfugie dans le buffet de la gare désert et s'installe face au quai pour ne rien perdre des allers et venues . Sans y penser, d'un geste machinal, il tourne sa cuillère dans son café noir. Une sono diffuse un blues qui l'alanguit.

Un nouveau train entre en gare, et puis un autre et, un autre encore. Il se lève pour partir.

Perdu dans ses pensées, il marche sans but dans la ville qui s'ensommeille. Quelques lampions, restes des fêtes, clignotent encore sur le boulevard mais la magie s'en est allée.

Il s'enfile dans les ruelles de la vieille ville en évitant les flaques gelées, ne songeant plus qu'à rentrer.

Soudain, dans la côte des chapeliers, il entend derrière lui un pas furtif et une main frôle son épaule. Il se retourne brusquement et… ce n'est pas la brunette attendue qu'il découvre, mais celle qu'il ne pensait plus jamais revoir, celle qui lui avait dit adieu pour retourner dans son pays. Cet amour qu'il avait essayé d'oublier est là, tout près de lui. Il croit rêver.

Ils se regardent, hébétés, éblouis, puis, sans un mot, s'étreignent longuement.

Son amour est de retour.

Fabinuccia