Destination : 162 , Itinéraire de choix


Le choix des larmes



Un beau soir de septembre (et oui, ça commençait comme un conte de fées !), il lui demanda non pas de partir, mais de le rejoindre.



Cinq années de vie à distance, c'était assez disait-il.



Les allers-retours Paris/Province avaient ô combien leur charme, mais une décision s'imposait, même, s'il voulait bien l'admettre, c'était elle, le plus souvent, qui les avait fait ces allers/retours... Et donc, raison de plus, pour y mettre un terme !



Et puis, acheter une maison ensemble, c'était se donner les moyens d'en acquérir une bien plus spacieuse, mieux située, près de la mer qu'elle aimait tant, et où chacun, surtout elle, aurait son territoire, sans encombrer l'autre de ses habitudes et de ses manies.



L'inverse (que ce soit lui, qui la rejoigne), professionnellement parlant, c'était impossible.

Sa carrière, ses relations, ses amis, bref sa "vie" était là-bas.



Sans oublier ses enfants, même si la fibre paternelle n'avait jamais été son fort.



Trois enfants par mariage, cela en faisait six en tout. Soit, pour l'aspect un peu sordide de l'histoire, six pensions alimentaires.

Et pourquoi pas y ajouter ses "ex", à bien y réfléchir ? Ne serait-ce que pour (en bons amis qu'ils étaient restés), regarder dans la même direction en ce qui concerne l'éducation des enfants, et leurs études.



Il lui laissait bien évidemment le choix. On l'a toujours...

Qui avait dit d'ailleurs, "l'échec n'existe pas, il n'y a que de mauvais choix" ? Lui, entre autres, dans un de ses bouquins.



Mais, cela faisait cinq ans ou presque, qu'elle espérait ce rapprochement, comme un cadeau, plus ou moins béni du ciel, qu'elle avait prié, elle ne s'en cachait pas.

Cela faisait cinq ans ou presque, qu'elle se languissait un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Cela faisait cinq ans ou presque, qu'elle avait du mal à se concentrer dans son travail au moins aussi important que le sien, même si elle ne voulait pas l'entendre.

Arthur était

en couple depuis peu. Mélanie, proche de son père, s'entendait bien avec sa belle-mère. Côté "enfants", si elle mettait l'affectif de côté, elle n'était pas obligée de se créer d'états d'âme culpabilisants.

Son travail ? Aucun souci, lui avait-il dit, avec son expérience et ses compétences, et un petit coup de pouce du député-maire, elle retrouverait sans attendre bien longtemps, une activité à la hauteur de son mérite et de ses ambitions.

Quant à ses amis, étant incontournable, inoubliable, ils lui resteraient forcément fidèles. Il n'était donc pas utile, distance oblige, de se confondre en promesses de se voir, de s'entendre et de s'écrire.



La cerise sur le gâteau, il la demanda en mariage ! Devenir L'épouse de Monsieur X, dans une petite ville de 20.000 habitants, ce n'était pas rien.

Sans oublier l'amour... Un peu moins passionné et fusionnel qu'au départ certes, mais réciproque (était-il besoin de le préciser !?), solide, complice, prometteur d'une nouvelle aventure à deux, mais cette fois-ci, qui rimerait avec "toujours".



Des choix, elle en avait déjà fait. Pas les moindres. Mais ils avaient été plus pulsion que dilemme, car elle en avait été l'auteure.

Cela dit, c'est vrai, ce n'est qu'après avoir fait le grand saut, qu'elle en avait mesuré les conséquences.

Mais, tout bien considéré, elle les avait plutôt bien assumées, sans regarder derrière.



Alors, ce grand saut, elle le fit; mais au-delà de ses larmes qu'elle assuma comme légitimes, l'histoire ne dit pas si elle rebondit au moins aussi bien qu'elle l'avait imaginé.



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Un soir de septembre déjà bien installé dans un automne plutôt précoce, elle entendit, interloquée, sa proposition.

A dire vrai, elle l'avait sentie venir depuis un certain temps déjà, et cela lui avait permis d' "y" penser, ne serait-ce qu'un peu.

Certes, cette vie à distance lui pesait.

Certes ces allers-retours l'épuisaient, mais ils avaient avant tout, un gout

d'amour proche de l'émoi qui la nourrissait "avant" et "après".



S"organiser en fonction de ses disponibilités tant professionnelles que paternelles était loin d'être simple. Mais, contre fortune bon cœur (mais aussi et surtout par amour !), elle s'adaptait.



Cependant et récemment, au moment de tourner la clef de sa voiture (geste qu'elle répétait depuis très précisément 64 mois), pour se fondre, au terme du voyage (4H30, avec les bouchons), dans les bras espérés, adorés, sublimés, elle en ressortit.

Elle en claquât la porte avec rage, remontât se coucher, après avoir avalé une ou deux pilules qui lui permettraient espérait-elle, de tenir le weekend, sans décrocher le téléphone.

Pour pouvoir se regarder bien en face dans la glace, il fallait bien, de temps en temps, montrer l'autre versant de soi-même, ne serait-ce que pour ne pas trop ressembler à ce que l'Autre attendait de soi.



Alors, cette proposition qui venait de tomber, ce choix n'ayons pas

peur du mot, l'admit-elle, non sans un cruel pincement au cœur, et contrairement aux autres fois, elle le décortiqua.

Elle prit une feuille de papier, un stylo, fit deux colonnes, celle des "plus" et celle des "en moins".

Dans celle des "plus", elle écrivit au moins cent fois : "je l'aime".

Dans celle des "en moins", elle écrivit : Paris, Arthur et Mélanie, mon job, mes copines, mon appart, mes cours du soir au Musée du Louvre, mon petit cinéma de la Contrescarpe, les falafels de la rue des Rosiers, mon copain homo Vincent toujours là pour me faire rire, sans oublier Nanouk le chartreux et...la jouissance de vivre seule; un "en moins" qu'elle garda certes pour la fin, tout en s'étonnant cependant, et contre toute attente, de l'avoir, sans le vouloir, lâché sur le papier.



Quelques semaines plus tard, sous les yeux ravis de Nanouk, son appart refait à neuf, elle organisa une petite fête pour (un bonheur n'arrivant jamais seul) célébrer sa nouvelle

promotion au sein de l'entreprise.

Ce soir là, Arthur et Mélanie redoublèrent de tendresse, ses copines sirotèrent une bonne partie de la nuit, en la dévorant des yeux, le fameux Pina Colada, dont seule, elle avait le secret.

A l'unanimité, on décida de passer les prochaines vacances à Loctudy, où Vincent avait un bateau.



Vincent..., qui parti le dernier, la garda longtemps dans ses bras pour tenter de calmer ce chagrin qui l'envahissait, toute.



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"On a tort de parler en amour, de "mauvais choix", puisque dès qu'il y a choix, il ne peut être que mauvais".

Marcel PROUST.



Martine V.