Destination : 163 , Au pays du soleil levant


Le Kiku vert





Aujourd'hui, jour de Toussaint, il lui avait offert un kiku vert.

Un chrysanthème.



Un chrysanthème d'un vert rare.

Il l'avait trouvé, ce matin, perdu et délaissé, parmi d'autres aux couleurs plus traditionnelles, ceux-là mêmes qui "finiraient" ce soir sur les pierres tombales du cimetière voisin.

Elle savait que, dans le meilleur des cas, cette fleur symbolisait la peine et la tristesse d'un amour perdu. A l'extrême, le culte de la mort.

Mais peut lui importait, elle aimait les chrysanthèmes.

Elle aimait ses soleils multicolores qui rayonnaient de tous leurs feux, à une époque de l'année où les autres fleurs s'effacent.



Du Japon, elle aimait le kiku...



Peu savait en

effet, que le chrysanthème quelle que fut sa couleur, qu'il fut multifleurs ou "pomponnettes", était né au Japon.

Peu savait qu'au Pays du soleil levant, il était fleur sacrée, symbole d'éternité et de noblesse, source de plaisir et de joie.

Qu'il avait son emblème, son festival, qu'il servait aussi à aromatiser le vin et le thé.

Et qu'enfin de toutes les fleurs, la plus noble, le mois de septembre lui avait été dédié.

Si elle connaissait l'histoire de la fleur, en revanche du Japon, elle savait peu de choses.

Certes, elle avait entendu parler d'Oshima pour son "Empire des sens".

Elle avait aussi lu, il y avait bien longtemps, quelques uns des récits de Mishima.

Et comme tout le monde, elle avait vu "des Foujita" et en particulier ceux de sa muse Kiki.

Mais..., elle n'aimait pas les sushis, encore moins le tofu, pourtant très à la mode !

Faute de culture nippone, et si ce n'avait été le simple plaisir des yeux, elle se trainait au Musée

Guimet.

De Miysaki, elle n'avait vu aucune œuvre (sacrilège, lui disait-on !), et pire, ignorait qu'un Manga se lisait

à l'envers.

Enfin, entre ses mains, un Bonsaï n'avait jamais bien longtemps, survécu.

Quant aux Sadö, Ködö et autres cérémonies..., elle n'avait pas honte d'avouer qu'elle en ignorait le sens !



Ce soir donc, jour de Toussaint, elle ne mettrait pas de chrysanthèmes sur la tombe familiale; comme tous les ans, elle leur préfèrerait la Véronique ou la Bruyère.

Ce soir, jour de Toussaint, elle penserait avec tristesse à ceux du cimetière voisin, qui seraient morts dans un mois.

Car "ici", rare seraient ceux qui les mettraient en terre, ignorés qu'ils étaient, des jardins et balconnières.



Martine V.