Destination : 32 , Premiers instants
Et si c'était ça...
Des sourires dans un berceau. La guerre a pris fin. La paix est sous les
noyers, sous les châtaigniers. C'est sans savoir que tout près de là, à
Oradour, l'innommable se produit. Les parents se souviennent qui tremblaient
de peur de voir s'éteindre les sourires de leur fille.
Elle ne se souvient de rien.
Flashes
La fillette veut repasser, faire comme maman. Attention tu vas te brûler !
Elle voudrait bien coudre aussi et tricoter et passer le café et ...
La fillette grandit trop vite. Mal aux jambes.
Des soirées allongée sur les chaises paillées, près du poêle ronflant dans
la grand cuisine.
Le moulin bien coincé entre les genoux, tourne tourne la manivelle, la fine
poudre sombre emplit le tiroir.
Dehors le Mistral souffle fort et glace sa maman trop frileuse. Tu vas
attraper le mal de la mort!
L'été c'est la chaleur, l'insolation qui guette. A force de l'entendre, on
finit par y croire à l'histoire de Frédéric Mistral et sa Mireille morte de
trop de soleil. Et puis transpirer ne vaut rien.
Avril ne te découvre pas d'un fil. Pourtant ce tricot de laine claire,
manches courtes, sent bon le printemps.
Alors pour s'étourdir, elle tourne, tourne. Les bras écartés elle tourne.
Autour d'elle le paysage se fond en lignes grises. Mélange des formes et des
couleurs. Les bruits eux-mêmes se confondent, mais elle devine bien la
litanie et elle s'en fout. Tu vas tomber, tu vas te faire mal !
Elle se fout des griffures, des écorchures, des cicatrices, des coups, des
bleus, des foulures. Elle se fout de la bronchite qui la prive d'école, de
jeux, des autres enfants. Elle voudrait être comme ces filles et ces
garçons. Elle est rejetée. Trop sage, trop timide, presque une étrangère.