Destination : 349 , Instants tannés


D 349 Instants tannés

A l’heure où se profilent les congés estivaux, j’ai un souvenir presque nostalgique des cartes postales d’antan, que nous envoyions pour : rassurer nos parents lorsque nous étions en colonie de vacances, faire plaisir à Mamie qui ne partait jamais en vacances, montrer à nos collègues que nous aussi nous nous amusions…
Vous me direz qu’aujourd’hui les réseaux sociaux remplacent les cartes postales, ce à quoi je vous répondrais : je ne sais pas, peut-être, c’est un peu différent, de toutes façons je fréquente peu ces lieux numériques…
Prenons ici le temps de travailler cette idée de carte postale, de saisie d’un instantané à transmettre par mots, sans l’image. Notre société occidentale communique de plus en plus par l’image, elle supplante la voix, les mots, les réflexions, les contacts.

Premier itinéraire proposé :
Je décris une image, une situation, mon texte est le côté pile de ma carte postale, je peux derrière (ensuite) y écrire le message à mon destinataire.
Exemple :
petites vagues sur une mer calme, soleil, légers nuages, ciel bleu, trois petits caniches blancs à la queue-leu-leu sur la plage. Carte jaunie et gondolée, avec la signature du photographe « Simon ».

Chère mamie, 6 juillet 82,
la colonie se passe bien, je mange bien, il fais un peu chaud. Hier on a vu un spectacle de clounes avec des caniche comme sur la carte. J’espère que tu va bien et Pépé aussi. Je suis content de venir après chez vous, pour pécher. Grosses Bises, Patou.
(Il va de soi qu’il est possible de produire des écrits plus aboutis que celui-ci aux vertus illustratives, mais qui fait aussi du bien à écrire, essayez).

Second itinéraire :
L’idée est là de produire un instantané d’un moment fugace, de le retranscrire avec vos mots. C’est en général un écrit poétique mais ce n’est pas obligé, vous pouvez choisir un style « clinique » qui visera à rendre compte sous tous les angles possibles de cet instant vécu. Vous trouverez ci-dessous l’expérience menée par Joachim Séné dans « le temps qu’il fait ». Cette expérience pourra vous inspirer dans votre écriture. C’est un exemple de ce que peut donner cet itinéraire de la destination. Joachim Séné propose des expériences numériques particulières, indescriptibles, à découvrir sur son site « relire.net » sur une page d’accueil sobre qui ne paie pas de mine. http://relire.net/
Bien sûr, vous pourrez vous écarter du travail de l’écrivain cité en exemple. Il s’agit d’accorder une large place dans votre texte à la description avec vos mots de tout ce qui constitue un instant : lumière, heure, couleurs, bruits environnants, odeurs, textures, impressions, ressentis, expressions des visages, regards, liens entre les personnes présentes, nature du sol, présence du vent, état du ciel, époque de l’année, jour de la semaine… liste non exhaustive.
Pour les inconditionnels de la narration, à vous de concevoir une histoire où le déploiement, le développement de cet instantané sera judicieux, opportun.

Joachim Séné :
"Le temps qu'il fait" est une phrase qui, pour Roland Barthes, caractérise le haïku, et la saisie d'un instant déjà enfui. Ici, ce sont 31 ciels notés en marchant, parce qu’au départ je n’avais pas mon appareil photo et je voulais en garder quelque chose. Souvenirs instantanés, chaque ciel change aussi vite que sa lumière. Le plus souvent lors de soirs doux ou chauds, au cours d’une promenade ou par la fenêtre, rues calmes vers l’ouest de la ville. Comme 31 jours d'un long mois d'été, notés sur le vif au carnet ou sur le téléphone, me demandant ce que j'en aurais gardé autrement. Est-ce que je reconnaîtrais ces ciels plusieurs années après ? Je me souviens de ciels vus quand j'étais enfant. Ceux que j'ai notés ici, l'ont été parfois avec mes enfants à mes côtés. Que seront leurs souvenirs de ces ciels ? Quelles images mentales forment cette poésie de l'instant du temps qu'il fait ? Sensation modifiée par les mots, souvenir réinventé d’un moment paisible avant le sommeil.
https://relire.net/le-temps-qu-il-fait/
Site de l’auteur, « journal éclaté » : http://jsene.net/

Lumière du plafonnier qu’il faut allumer,
bruit de fond de la route, de la télé, « tour de France »
porte du jardin ouverte,
petit insecte qui se pose sur ma table,
ronronnement de l’ordi portable,
tisane à peine tiède à gauche,
sourire qui s’empare de moi,
gratitude pour vous,
JFP

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