Destination : 152 , L'autocar Ailleurs


Sur la route de Memphis

Sur la route de Memphis...



Je somnole dans le fond du car, mon appareil P3 à l’oreille.

« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… »



Qu’il chante l’Eddy Mitchell. Un cahot me fait sursauter, les routes sont mauvaises dans le coin… Qui n’a rien à voir avec la route de… ne savent pas comblé les nids de poules dans ce pays ?



« Je viens vers toi, tu m'attends dans ta robe blanche. »



Voilà qui est déjà mieux, oui elle m’attend, mais ça m’étonnerait qu’elle arrive en robe blanche… Je la connais, elle n’a jamais été féminine pour deux sous !



« À la place du mort, un chien-loup me jetait un regard un peu fou… »



Non, là c’est un york, qui dépasse du sac à provision de ma voisine un chien à sa mémère qui me regarde d’un œil torve depuis le départ, il y a environ une bonne heure… Et de plus, vu l’âge et le tour de taille de la donzelle, même pas draguable, ça aurait pourtant occupé mon voyage !



« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… »



Au départ, le car était comble, je n’ai pas eu le choix de la place, mais ça sort à chaque arrêt. Des enfants qui rentrent du lycée, des ménagères qui rentrent du marché, et évidemment la seule qui reste et qui m’écrase c’est la mémère au chien-chien ! Je pourrais changer de place maintenant qu’il y en a de libre, mais faudrait que je dérange sa grosse personne, et risquerais d’écraser le sac avec le monstre à l’intérieur.



« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… »



Cette chanson me fait bâiller, je devrais changer…



« Je viens vers toi, mais pas dans une Rolls blanche, »



Ça c’est sur ! Ce vieux car, il doit dater des années 60… On sent trop les cahots de la route.

Le chien-chien en a sursauté et… mais ce n’est pas vrai, il vomit sur mon pantalon…



« Dans un costume un peu élimé aux manches… »

« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… »







Non, les manches vont bien, mais je suis mouillé à l’endroit ou l’on pourrait croire… Je vais être bien pour mon rendez-vous !

La dame ne sait pas quoi faire pour s’excuser de la bévue de son clébard.

« Oh mon pauvre kiki il est malade, ça ne lui arrive jamais d’habitude. »

Avec un mouchoir en papier, elle tente d’essuyer mon pantalon…

« Je vous en pris madame ce n’est pas grave ! »

Je soupire.

La glace est rompue, elle m’explique qu’elle va rendre visite à une amie malade, etc… etc…



« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… » Couvre sa voix, je devrais arrêter mon appareil !



« C’est ma station ! » dit-elle d’un coup, en prenant le sac et kiki. Elle me marche sur les pieds et d’un bon descend. Je ne m’attendais pas qu’une corpulence pareille soit si agile !

Je reste seul dans le car.

« On arrive ? je demande au chauffeur.

« Dans dix minutes ! Me cri-t-il.

Dans la chanson le chauffeur boit de la bière en regardant l’heure…

Dieu merci, celui-là ne boit pas, mais à l’aire de se foutre de l’heure… Les dix minutes sont passées depuis longtemps, et le car continu à tournicoté sur des départementales défoncées, parmi des champs de blé, passant des villages déserts, à la recherche de ma destinée.



« Sur la route de Memphis, sur la route de Memphis… »



J’arrête ma musique pour réfléchir… Une fille que je n’avais pas revue depuis… Dix ? Quinze ans ? Par la magie de Farcebook , elle m’a retrouvé, elle voulait absolument me revoir. Je n’y tenais pas tellement, quand une aventure est terminée je ne reviens pas dessus…

Mais elle assista tant et tant…

« J’ai une surprise pour toi ». M’écrit-elle.

Après tout, cela me fera des vacances, et j’étais curieux de connaître la surprise.

Je la revoie dans mes souvenirs, petite brunette souriante, pas bégueule pour deux sous, toujours en jean et pull, notre liaison n’a duré que quelques mois, je ne me souviens plus qui c’est lassé le premier de l’autre, je crois bien que c’est elle. Un jour elle m’a dit adieux.

« Je retourne chez mes parents ! ».

J’y arrive.



Le car s’arrête sur une place. A travers la vitre, Je la reconnais tout de suite, pas changé… La coiffure peut-être ?

Je descends.

Tiens, qui sait ce gamin qui l’accompagne ? Il me ressemble en plus…

« Dis bonjour à ton papa », dit-elle en le poussant vers moi.





http://www.youtube.com/watch?v=w-W4VgQtLNA

J François M