Destination : 173 , Ailleurs si j'y suis


La petite fille en bleu d'Amedeo Modigliani

Point de vue de la petite fille :

Oh la la, je viens de me faire convoquer dans le bureau du padré, je sens que je vais me prendre un de ces savons ! Bon, c’est vrai qu’il m’avait demandé d’aller lui acheter un bouteille de vin et que je suis revenue avec de la limonade… Mais ça n’est pas si grave que ça tout de même, la limonade ça se boit aussi, même qu’y a des bulles en plus, et pour moins cher encore ! N’empêche qu’il me fait peur avec sa grosse voix. Quand il crie, j’ai tout qui tremble à l’intérieur.



Point de vue du mur :

Il ne va pas lui en faire toute une histoire ! Il n’avait qu’à aller la chercher lui-même sa bouteille de pinard, il lui faut toujours un larbin ! Et puis elle n’a que huit ans sa mouflette et je l’aime bien moi cette gamine. Toujours prête à rendre service, toujours de bonne humeur. Un peu tête en l’air, mais c’est de son âge, et puis ça fait partie de son charme, c’est une rêveuse cette petite, on ne la refera pas…



Point de vue de la collerette blanche :

Ça y est, dans trois minutes, je suis bonne pour la douche. C’est le scénario habituel. Môssieur n’est pas content de son travail, alors Môssieur doit se défouler sur quelqu’un ! Et bien sûr, qui c’est qui prend ? C’est Mam’selle ! Des cris, des pleurs, et moi j’vais encore être toute humide. Et au premier courant d’air, je suis bonne pour le rhume…



Point de vue des bottines :

Espérons que ça ne dure pas trop longtemps, on n’en peut déjà plus de rester en place, les fourmis commencent déjà à nous chatouiller. On n’est pas fait pour rester plantés comme ça ! On a besoin de se défouler nous, il faut qu’on marche, qu’on coure, qu’on piétine, on n’est pas des chaussures d’adultes, c’est une torture pour nous de rester immobiles !



Point de vue du peintre :

Vous pouvez résistez, vous, à ce regard transparent ? Elle me fait craquer ma fille, mon ange, ma merveille… Et je m’en veux de la réprimander si fort pour des broutilles. Mais sur le coup, j’ai du mal à me contrôler et quand je sens la colère monter, il faut que ça sorte, c’est plus fort que moi. Et c’est souvent elle qui trinque, même lorsque c’est moi qui bois trop… À chaque fois c’est pareil, lorsque je réalise son innocence, je culpabilise et ça me fait souffrir. Si vous saviez comme je l’aime ma princesse, mon petit cœur, ma tendresse. Alors pour elle je sors ma palette des bleus et ne choisis que des tons pastel afin de traduire la pureté et l’innocence de son âme. Vous saisissez mieux maintenant, ce que cache la transparence de ce regard, et pourquoi je m’acharne à l'exposer aux yeux du monde ?

Griotte