Destination : 176 , Destination durable


Papier recyclé

Son ami Antoine l’avait quittée. Il partait pour une destination originale ; il ne lui en disait pas plus. Juste un post-it sur la table de la cuisine. Quatorze mots, pas un de plus pour rompre avec seize ans de vie commune. C’était peu. Moins d’un mot par année passée ensemble… Il ne lui offrait aucun adverbe, pas même un discret « tendrement ». Rien. Le désert des sentiments.

Elle restait là, debout, plantée comme un arbre au milieu de la pièce, tentant désespérément de recycler ses pensées, de bâtir un scénario. Hébétée, elle ne comprenait pas cette disparition subite ressemblant à une véritable urgence.

Les jours passaient et toujours pas de nouvelles d’Antoine. Elle avait tenté une multitude d’appels, sms, mails, tous étaient restés muets. Silence radio.

Les mois s'écoulaient lentement, comme à regret. Puis le seuil des deux années arrivait et son esprit chagrin peinait toujours à s’évaporer. Antoine logeait encore dans un petit coin de son cœur. Elle avait pourtant pris soin d’évacuer tout ce qui pouvait polluer sa guérison. Rien n’y faisait. Chaque nuit d’insomnie dessinait le visage d’Antoine sur les murs de sa chambre à elle.

Un jour, elle reçut une lettre.





Éloïse mon amour,



Je reviens d’un itinéraire fabuleux quoique très banal. Ce fameux matin de janvier, lorsque la terre d’Afrique a crié, je n’ai pas pu me retenir. J’ai dû partir sur l’île aux poupées.

J’aurais pu t’écrire de longues phrases, jamais je n’aurais su te dire mon besoin viscéral de répondre à cet appel.

Mais là-bas, j’ai trouvé ce que je cherchais depuis toujours. Ma quête. Mon Graal. Je me suis trouvé, moi. Je sais enfin qui je suis. Et tout correspond au cahier des charges de mon âme.

Je reviens grandi aujourd’hui et s’il te reste à louer une partie de ton cœur, je viendrais bien m’y installer. Le trésor que je ramène est comme un lierre qui envahirait notre futur.



Antoine





Elle déchira la lettre. La pluie de confettis rejoignit la vaste cuve dans laquelle baignaient déjà plusieurs épaisseurs de papier ramolli. La nouvelle auto-entreprise Eloïse-papier/fabrication artisanale était en plein essor…

griotte