Destination : 194 , Plus vrai que nature
Mamé
Quatre lattes de bois couleur de miel, reliées entre elles par le dessous à l’aide d’un tasseau fixé à chaque extrémité, forment une assise chaude et douce, propice à l’invitation d’un jeune postérieur.
Deux cordes de chanvre se faufilent dans quatre trous percés à cette intention, et remontent jusqu’à la belle branche horizontale du vieux chêne avec laquelle elles se nouent d’amitié.
De chaque côté, les petits doigts se referment sur la corde râpeuse, et font doucement crisser le chanvre. Les mains s’y agrippent fermement, tandis que, quarante centimètres plus bas, deux petits pieds flirtent avec le tapis d’herbes fraîchement tondu. Ils alternent appuis propulseurs du bout des orteils, frôlements chatouillant les plantes de pieds entières, et contacts statiques et régénérants faisant remonter dans tout le corps l’énergie de la Terre.
Le balancement varie sa vitesse et son amplitude au gré de l’humeur de la fillette qui, alternativement, envoie ses pieds vers le ciel en basculant la tête en arrière jusqu’à frôler le sol de son rideau de cheveux, adoptant ainsi une position allongée, puis l’instant d’après, se redresse en posture assise afin de pouvoir repousser le sol de ses pieds et reprendre plus d’élan.
À quelques mètres devant la fillette, un carré d’herbes folles réjouies d’avoir échappé à la tondeuse, pousse dans une anarchie totale, faisant monter dans l’air un parfum de chaleur d’été et abritant une colonie d’insectes divers et variés. À l’arrière, un chèvrefeuille escalade le grillage en diffusant de délicats effluves. La balançoire se situe juste au point de rencontre des deux odeurs qui se chamaillent le premier rôle…
Sur la droite, une vieille femme, assise sur un fauteuil de jardin, la peau plissée burinée par le soleil, tricote, abritée sous un chapeau de paille à larges bords. Elle porte une robe de coton clair, assortie à ses yeux qui font le va et vient entre son ouvrage et la fillette. Son visage est plein d’une douce tendresse et son regard pétillant montre le bonheur qu’elle éprouve à faire partie intégrante de la scène, comme si c’était l’un des plus beaux rôles de sa longue vie.
- Mamé ! Ça y est ! J’ai touché le ciel avec mes pieds !
La fillette arrive en sautillant vers la grand-mère qui pose son tricot. La menotte blanche et lisse vient se loger au creux de la grande main halée et tachetée, et les deux silhouettes s’en vont vers la cuisine, c’est presque l’heure du goûter…