Destination : 214 , Une lettre sinon rien


Théa et Théo

Elle avait décidé de broder sur un mouchoir, au point de croix, en lettre cursive entremêlées, la première lettre de leur prénom.

Un mouchoir blanc, une broderie au fil rouge.



C’était difficile, comment accoupler les deux « T » celui de Théa, celui de Théo ?



Les « T » se volutaient, s’évadaient en gracieuses arabesques. Pourtant, elle devait les entremêler, ce serait un touchant présage, leur amour était encore si ténu.



Le «T » de Théo aurait une forme affirmée, aucune mollesse, un « T » comme téméraire, têtu, comme terre, tambour, comme taureau.

Le « T» de Théa serait d’un dessin tendre, un « T » comme tranquille, timide, comme tourterelle, treille, comme temple.



L’aiguille tatouait la percale.

Le mouchoir serait un talisman.



Elle se piqua. Une perle écarlate tacha l’amoureux travail.

Tristesse



Au loin le tonnerre fit entendre sa tonitruante voix.

Elle se troubla.

Quelque chose de ténébreux ternit son espoir.

Une terrible interrogation le tenailla

Et si, et si il la trompait ?

La vie n’est pas une broderie, ou une tapisserie et l’on n’attache pas des êtres au point de croix.



Mais la porte trembla.

Il était là tout trempé mais triomphal.

Il tendit les bras.



Et Théa et Théo tutoyèrent le bonheur.

EVELYNE W