Destination : 83 , Lettre(s) à Dieu


lettre minuscule à l'Etre Majuscule

Lettre minuscule à l’Etre Majuscule





Madame la Majuscule






Je ne suis qu’une virgule, que tout un chacun bouscule du regard, un ponctuaticule de la dernière catégorie, une patte de mousticule dont chacun se rit.
Je ne suis qu’une virgule, et j’ose, moi si minuscule, j’ose, c’est ridicule, j’ose solliciter de votre Majusculité… une entrevue, que dis-je, une entrevue ? Un rendez-vous, un tête-à-tête avec l’Entité !

Ver de terre amoureux d’une Etoile ? je rêve de tutoyer les Initiales, de côtoyer les Têtes Couronnées, les Noms Propres, les Grands Principes, les hautains Concepts Philosophiques, je rêve de banqueter avec les Déités.
Moi la minus habens, la virgula si peu sapiens au CV si mince, au QI si infinitésimental, je rêve qu’au lieu de ramer d’un monotone mouvement de pendule sur ma ligne, l’air perpendicule, au lieu d’osciller telle une cédille qui vacille, imbécile béquille, suspendue au cul des c, ma godille, devenue hélice, me hisse jusqu’aux sommités où Vous trônez, Suprême Sérénité.
Je me vois virevolter vers les cimes sublimes, je me rêve apostrophe, je me prétends accent, me balançant négligemment parmi les Nues étonnées, heureux amant érigeant ma petite virgule au ciel de lit de Vénus languissamment abandonnée.

Oh je sais le sort d’Icare, et comment, après mille circonvolutes, brûlé des feux d’un désir trop ardent, comment, trop désinvolte, après mille turlutes il perdit son fier pennage, son bel essor déboussolé !

Divine Beauté, je Vous en prie, ne contre-icarez point mes vœux.
Je Vous vis, je Vous aimai, je Vous veux.
Laissez-moi, s’il Vous plaît, réchauffer Votre froide Eternité d’un accent d’humanité.


josée