Destination : 10 , Road Movie


Cannes - Corse, aventure nautique

Samedi 15 août, 20h30, je quitte le vieux port de Cannes, au pied du palais
des congrès. La mer est peu agitée et la brise légère. La météo marine est
clémente. Je double Sainte-Marguerite et Saint-Honorat qui s'endorment
sereinement en attendant la prochaine fournée de touristes, demain matin dès
l'aube.

Les données entrées, les coordonnées calculées, le GPS trace la route, le
pilote automatique obéit. Cap sud-est. Si tout va bien, dans 10 heures, au
sortir de la nuit, je devrais voir rougir le phare de Calvi.
Le ciel s'éteint derrière les îles de Lérins, la côte peu à peu se
transforme en cordon lumineux. Ca et là un feu d'artifice se souvient de cet
été 45 quand les forces ont pris pieds sur la côte provençale.

Maintenant la nuit est complètement tombée, il va falloir voir à la lueur
des étoiles. Elles constellent le ciel. Autant de repères, autant de petits
yeux qui de loin vous observent. C'est à celle qui brillera le plus :
Margarita, Arcturus, Deneb, Vega, Altaïr. Je repère les constellations les
plus élémentaires : la petite et la grande Ourse, le W de Cassiopée, la
Couronne Boréale, l'Aigle, le Cygne; mais je devrais attendre la fin de nuit
pour voir surgir Orion.

Au sortir du golfe de Gêne, le vent frise la force 5. Le moteur est devenu
inutile. La grand voile et le génois se gonflent, les haubans claquent, le
bateau gîte doucement sur les vagues qui s'étirent en houle légère.
Le pilote automatique joue bien son rôle, les écrans contrôlent, je
surveille. Tantôt à droite, tantôt à gauche, loupiote verte, loupiote rouge.
Le trafic est important en cette fin de vacances. Des lumières apparaissent
au fond sur l'horizon : "Rouge-rouge rien ne bouge", "vert-vert tout est
clair". Puis soudain de petits éclairs blancs courent à la surface de l'eau.
Filets dérivants, pièges pour les poissons, entraves pour un petit voilier
de 12 mètres. Yeux doublement écarquillés, vigilance accrue, plus question
de s'abriter derrière la capote.
L'air humide frappe mon visage, emmêle mes cheveux. Le malaise éprouvé à la
fin du repas est dissipé. Seule maître à bord, vent de liberté, la mer
m'appartient et le Monde aussi. Je me sens forte, je me sens grande, Goliath
au féminin!

Le bateau glisse dans le reflet argenté de la lune. Mars est là, elle aussi,
majestueuse planète rouge venue en cet été 2003 saluer de bien près sa
jumelle bleue, la Terre.

La nuit se poursuit calme, trop calme pour tromper la fatigue. Le vent est
tombé, j'ai abattu les voiles. Le ron-ron du moteur joue les berceuses.
L'engourdissement gagne, les paupières papillotent. Une barre de céréale,
une tasse de café bien chaud, bien fort et pour casser la monotonie, un CD
de Jazz, volume maxi, concert en plein air rythmé par le tempo d'Alex Riel.
Célébration ! Quel beau titre pour fêter le ciel et la mer.

Castor et Pollux surgissent, suivis de près par Orion. Juste à temps. Déjà
les lueurs de l'aube ternissent Betelgeuse et Rigel tandis que se dessinent,
à gauche de l'étrave, les falaises embrumées de la Corse.

Le petit matin est une épreuve difficile. La côte semble reculer à mesure
que le bateau l'approche, comme si elle redoutait le viol d'un pirate.
Encore quelques miles à parcourir, une ou deux heures avant d'espérer
mouiller dans une petite crique et dormir, dormir, dormir...

Mireille 18/10/2003

PS : Ce voyage, je l'ai fait mais le skipper était là. Je veillais quand il
dormait. A part Alex Riel que je ne connaissais pas, Castor, Pollux et Orion
qui sont apparus pendant mon quart de repos, tout est vrai.

Mireille