Destination : 127 , Garde à vue


UN REVE RECURRENT

« Bon dieu ! J'ai encore fait le même rêve cette nuit. Moi qui aimais tant dormir, je redoute à présent le sommeil. Je ne sais pas quoi faire, je suis tellement fatigué ».

Ma collègue de bureau lève le nez de son ordinateur et me regarde amicalement.

« Allez, raconte ».

Je me laisse tomber sur mon fauteuil. Je ferme les yeux et débute :

« Je suis menotté et je viens d'être poussé avec violence dans une large pièce remplie de cages. Un homme et une femme me regardent. La femme est derrière une machine à écrire, l'homme joue avec un gros trousseau de clés. Ils me regardent avec une étonnante méchanceté tout en souriant malicieusement.

« Alors on ne c'est toujours pas amendé ? ». Le cliquetis des clés fascine mon ouïe.

Je parviens à articuler avec beaucoup d'effort : « Mais je n'ai rien fait de mal ! ». Le couple infernal éclate de rire. « Notez, ma chère, il dit n'avoir rien fait de mal. Mais on va lui faire cracher le morceau à ce moins que rien et il va comprendre ce qu'il a fait ce lâche. Allez dans la cage. » Il s'avance vers moi en arquant le dos comme un taureau près à charger. Mes jambes s'amolissent, j'ai tellement peur. A cet instant je devrais me réveiller. Je me répète : « c'est juste un cauchemar ». Il m'oblige à rentrer dans une des cages. Elles est exiguë. Je suis obligé de coller mes jambes contre ma poitrine et de garder la tête baissée. La femme passe une main à travers les barreaux et caresse mon bras. « Alors on a encore été un méchant garçon ? » Je crois que je pleure « Je vous jure que je n'ai rien fait de mal, Madame ». L'homme donne un formidable coup de poing sur la table. « Cette sale bête, il va falloir l'euthanasier !  Et à cet instant je me réveille, suant, sanglotant. Je n'en peux plus. Qu'en penses-tu ?»

Ma collègue reste un temps silencieuse. Puis :

« Peux-tu me redire les dernières paroles que prononce ton espèce de policier ? »

« Cette sale bête, il va falloir l'euthanasier ».

« N'aurais-tu pas eu un rapport conflictuel avec un animal ? Pardonne-moi de te poser cette question. ».

« Ben, non pas vraiment. J'ai simplement dû me séparer de mon chien lorsque je suis parti en mission en Afrique. Mes parents ne voulaient pas le garder. Mes amis avaient des chats. Je l'ai confié à la SPA et j'ai donné un don important pour qu'il soit bien soigné. J'avais promis que je reviendrais le reprendre à mon retour. »

« Cela fait combien de temps que tu es rentré, Christian ? »



Il faisait grand soleil lorsque je suis arrivé devant les grilles de la SPA. La veille j'avais admirablement dormi.



FIN

EVELYNE W