Destination : 132 , En Uchronie
Mon mari est un bon ange
Clara, d'un pas martial mais l'estomac pincé par l'angoisse, pénétra dans le bureau de son mari: « Wilfrid voici trois jours que vous ne quittez pas votre antre. Je subodore que vous allez encore entreprendre un de vos ridicules, puérils et dangereux voyages dans le temps ! Cela devient malsain Wilfrid ! ». Lentement Wilfrid retira la pipe de terre de sa bouche. « Vous n'avez pas frappé à la porte Clara. Ne touchez à rien je vous prie chaque objet m'aident à me concentrer. » Clara avait une envie folle de chasser la pénombre, d'attaquer le désordre et d'éliminer la poussière, mais ce qu'elle souhaitait par-dessus tout c'était d'empêcher son mari de retourner dans le passé pour y « accomplir quelques menus gestes » selon son expression. Il avait hérité de ce don d'une arrière grand-mère tzigane, on ne se méfie jamais assez de ses gènes ... Lorsqu'il avait demandé sa main, elle avait accepté immédiatement, il paraissait si convenable et puis ce fut le premier départ pour le passé. Il avait dit « Clara je ne rentrerai pas dîner ce soir. Il est probable que je serai sorti jusqu'au matin » La décision de son mari ne l'avait nullement troublée, c'était un savant, un érudit, quelques soient ses raisons, elles étaient toujours nobles. « Où serez-vous mon ami ? » Avait-elle demandé d'un ton détaché, en arrangeant un bouquet de fleurs dans un vase de cristal de Bohème. « Dans le passé, Clara, je dois sauver un pharaon de l'empoisonnement sinon il nous manquera de magnifiques pyramides ». Elle avait renversé le vase et essayé de pousser un petit rire. A présent elle ne riait plus lors de l'annonce de ces départs. Il avait accompagné seul le cercueil de MOZART au lugubre cimetière St Marx et soutenu SÜSSMAYER, son élève, afin qu'il achève en toute quiétude le Requiem que le maître pressé par la mort avait abandonné. « Clara, ma chère, j'en ai encore les larmes aux yeux, j'ai sauvé le Requiem ! » Au registre des admirables sauvetages il y avait eu celui de Jeanne D'ARC « qui n'était ni bergère, ni pucelle ! » avait-il ajouté en riant de bon coeur. Dans le passé, Wilfrid, protégeait, aidait, sauvait des gens illustres ou de simples inconnus destinés à de grands destins et pendant ce temps Clara se morfondait dans l'inquiétude et la solitude. Elle acheta un chien élégant aux yeux doux, un perroquet bavard et étudia la botanique. Aussi lorsque Wilfrid décida de rester dans le passé auprès de Marie DUPLESSIS, qu'il sauva d'une mort atroce et romantique au grand désespoir d'Alexandre DUMAS fils, Clara ne ressentit ni peine ni dépit. Ce furent uniquement des exigences d'hygiène et de salubrité qu'ils lui firent nettoyer de fond en comble le bureau de son mari.
FIN