Destination : 135 , Mise en abîme
vertige : la voix d son maître
Vertige : la voix de son maître
C’est sympa ici. Y a pas à dire les humains ont l’art de bien vivre ! Cela ne peut pas être pire que mes trois chenils et la promiscuité de Pépino, ce gros pataud adorable mais qui tient une place et qui aboie dès que passe un papillon ou une plume ; Moi je réserve mes aboiements pour les chats.
Bref, je suis là dans cette maison. Je découvre des tas de choses. J’ai flairé tous les coins, fureté dans tous les recoins, grimpé et descendu les escaliers. Après cette virée, je suis étalée sur une couverture déployée à mon intention par une maîtresse qui me fait des bisous. C’est nouveau pour moi. Je prête une oreille attentive au moindre bruit. Je ne connais pas encore les froufrous familiers.
Soudain des sons m’intriguent. Curieuse, je m’approche de leur source et je vois un machin truc, plat rond qui tourne avec une espèce de cornet énorme accroché au dessus. J’entends mon maître parler de gramophone, de Marconi, etc. Moi je ne vois qu’une image : celle d’un chien qui me ressemble et qui regarde dans le cornet en dressant les oreilles.
On va voir qui est le plus malin. Aussitôt je plonge mon regard dans le tuyau…. Malheur Un autre moi regarde dans le cornet et encore un autre moi plus petit regarde aussi dans un cornet et encore et encore de plus en plus petit. J’ai les yeux comme des soucoupes. On dirait les yeux de Moogli quand Kâa chante pour l’endormir. J’enfonce un peu plus le museau dans l’entonnoir….. J’ai le vertige, le mal de mer. Le vieux disque en cire tourne toujours en grinçant diffusant un air d’opéra chanté par Caruso. Ma parole ce n’est pas un saphir mais une aiguille de cactus. Au secours je n’ai pas l’oreille musicale
Heureusement ma maîtresse me sort de là avec un câlin. Je jette un regard sans complaisance à l’image de la voix de son maître. L’opéra c’est pour les humains pas pour les chiens. Je retourne sur mon canapé le museau entre les pattes, épuisée par tant d émotions.
Neige
