Destination : 162 , Itinéraire de choix
AUBAINE
C'était décidé, elle l'excluait de sa journée. Une journée à respirer seule, à bouger seule, à se taire seule ou à chantonner seule, une journée à improviser le temps qui passe. Marina, un sac à dos léger posé sur l'épaule lança : "Je vais vadrouiller toute la journée !" Elle voyait son profil se découper sur la lumière, là-bas tout au bout du couloir sombre. Il lisait. Il leva la tête "Où vas-tu ?" . Marina devait trouver une bonne réponse, une réponse qui clôt tout débat, qui rassure "Je vais photographier l'automne". Elle avait déjà la main sur la poignée de la porte d'entrée. Elle entendit "Tout est encore si vert". Son esprit piaffait d'impatience, fuir, fuir, le fuir pour se sentir vivre. "Je suis certaine que les vignes sont déjà rouge et or". Il la retenait encore "Tu pars si loin ?" Marina devait rester ferme, surtout ne pas s'énerver "Oui ! Ne m'attends pas pour dîner". Elle sortit et dévala les escaliers. Enfin ! Son coeur battait en tambour de guerre.
La voiture abordait sereinement la route en lacets. La radio hoquetante braillait un opéra de Verdi. Marina chantait. Les vitres descendues permettait à un vent voyou de chahuter sa coiffure. Elle se sentait si jeune, si puissante. Puis ce fut un paysage plat dominé par le massif de la Sainte BAUME qui se plissait en gris et rose. Les vignes s'alignaient sur un pied, en parfait petits soldats au corps sombre chétif et à la chevelure feuillue exubérante. Il avait raison l'automne les avait à peine effleurées. Elle gara la voiture dans un chemin creux et sortit son appareil photos. Un soleil d'automne caressait la nature. Les ombres était tendres. Elle était là bien vivante, silencieuse, au milieu d'un moment harmonieux auquel elle appartenait.
Un panneau annonçait un restaurant "l'Aubaine". Comme j'aime ce mot pensa Marina. Elle décréta qu'elle avait faim.
Elle fut accueilli chaleureusement par un jeune homme. Tout en parcourant le menu, amusée, elle le regardait évoluer parmi les tables. Il avait un sourire, une plaisanterie pour chacun. Il semblait façonné pour le bonheur simple. Marina le trouva séduisant. "Il pourrait être ton fils" lui susurra une petite voix intérieure. "Et zut ! j'ai tout de même le droit de regarder un jeune homme sans penser automatiquement que je pourrais être sa mère" rétorqua son "moi". Elle fit renaître dans sa mémoire la jeune fille qu'elle avait été : Une têtue, une volontaire qui préférait l'amitié à l'amour. Justement il y avait eut Paul qui l'avait demandé en mariage. Elle avait rit gentiment. "Nous sommes de si bons amis ! Et puis je pars étudier aux Etats-Unis. Une vraie aubaine ! " Paul avait vivement baissé la tête et répété tristement, sourdement : "Une vraie aubaine, certainement".
Le fringant jeune homme vint prendre la commande de Marina. Elle le regarda longuement et soupira "Oui, il pourrait être l'enfant que je n'ai jamais eu".
Fin