Destination : 165 , Rétrospective de l'année prochaine
L'année de la relance
2012, ça a été l'année de la relance. Vous avez oublié, ou peut-être n'avez-vous jamais su comment ça avait commencé exactement ?
C'était au début de l'année, dans une émission de variétés dont j'ai oublié le nom, l'invité était un humoriste qui se moquait des hommes politiques en faisant ressortir qu'aucun d'entre eux ne faisait la moindre proposition pour sortir de la crise et il a pris à témoin le public qui se trouvait sur le plateau : « Et vous, a t-il demandé, est-ce que vous avez des idées pour sortir de la crise ? » Une dame entre deux âges a levé le doigt et on lui a passé le micro, la caméra l'a cadrée de face en gros plan et elle a commencé à parler : « Oui, j'ai une idée qui me paraît assez simple, ça fait un certain temps que j'y pense. Je vais faire comme les hommes politiques, je vais m'adresser aux français et aux françaises... Elle a respiré un grand coup et elle a continué : je suis sûre que vous tous, vous voulez tout comme moi qu'on s'en sorte. Alors, voilà ce que je propose : dans toutes les régions où il y a du chômage, on va créer des entreprises de relance. Ces petites entreprises fabriqueront des appareils plus solides et moins sophistiqués que ceux qui sont aujourd'hui fabriqués ailleurs, ils pourront coûter un peu plus cher parce qu'ils dureront beaucoup plus longtemps. Au début, les employés continueront à toucher leur chômage plus un complément versé par l'entreprise. D'où viendra cet argent de complément, me demanderez-vous ? De ma poche et de la vôtre si vous voulez comme moi qu'on s'en sorte, on payera d'avance pour avoir un appareil de qualité et pour nous sortir tous de cette foutue crise. Et si on n'a pas 400 euros à mettre d'avance dans un bon frigo, on en mettra 20 pour avoir, je ne sais pas moi, de la lingerie, quelque chose dont on aura forcément besoin un jour ou l'autre. Mais ces entreprises de relance, attention, elles seront nationales, les bénéfices ne seront pas investis en bourse, ils serviront d'abord à prendre le relais des indemnités de chômage pour payer les employés et à créer d'autres entreprises de relance. Voilà, c'est pas plus compliqué que ça. Pas besoin de protectionnisme, la relance viendra de vous, mes chers compatriotes » dit-elle en riant, et elle rendit le micro.
Aussitôt, des centaines de coups de fils bloquèrent le standard de la chaîne télévisée concernée. Les gens voulaient envoyer leur argent pour acheter d'avance de bonnes machines sans obsolescence programmée et les jolies petites culottes. Dès le lendemain, les journaux commentèrent l'idée en grands titres à la une. Sur internet, des milliers de personnes s'enthousiasmèrent pour le projet si bien qu'en février, déjà, le gouvernement fut contraint de commencer à mettre en œuvre ces « entreprises de relance » qui eurent un tel succès qu'elles se développèrent les unes après les autres comme une traînée de poudre et à la fin de l'année, le pays avait retrouvé une croissance comparable à celle de l'après-guerre.
Mais cela vous paraît loin, n'est-ce pas ? Vous ne saviez même pas qu'il y avait eu une crise économique à cette époque là ? Oui, c'est vrai, vous n'étiez même pas nés !