Destination : 171 , la maladie d'Ailleurs
Le bal des malades
Le bal des malades
Comme chaque année, les maladies pullulaient, éructaient, s’entassaient au « bal des malades ». Elles venaient de loin, de très loin, Maladies Tropicales. De tout près, Maladies Congénitales. Et même les maladies rares, Maladies Orphelines, tentaient de se frayer un espace pour entrer. Mais celles-ci étaient souvent refoulées par le videur des lieux.
Comme chaque année, la tombola ponctuait la fête. Et toutes les maladies rêvaient, espéraient le gros lot. Alors elles dansaient puis trépignaient, s’impatientaient :
- Je veux des peaux douces, des tendres, des nouveau-nés, criait Varicelle.
- Non, c’est pour moi ! Tu les as déjà eus l’an dernier, s’insurgeait Rougeole.
- Ne vous inquiétez pas, il y en aura pour nous toutes, toussotait Rhinite Allergique, très en vogue depuis peu.
- Laissez-moi les petits gros ! Je vais leur rendre ce service, riait Gastro-Entérite.
- Pour moi, les essoufflés ! sifflait Asthme.
- J’en veux aussi !! s’époumonait Pneumonie.
- Et moi, je vais encore me coltiner les plus esseulés, éplorés ou solitaires, se lamentait Dépression.
- Arrête de te plaindre ! Moi, j’hérite de corps brulants enfermés dans le noir, sous des montagnes de couettes. Je ne vois rien, je n’entends rien et je suffoque, bouillonnait Grippe.
La conversation enflait et s’enflammait ainsi jusqu’à la clôture de la fête.
Il faut préciser que ce bal privé était l’évènement majeur de l’année pour les maladies. Il ouvrait le ballet de l’hiver. Et surtout ce bal était organisé par de prestigieux laboratoires. Des laboratoires qui produisaient des kilomètres de pastilles, comprimés, pommades, poudres, ampoules…des milliers de tonnes de médicaments, de toutes les couleurs, de toutes compositions, tailles et consistances…des médicaments qu’il fallait écouler ! D’où l’idée de ce bal !!
Ainsi les kilomètres de pastilles, comprimés, pommades, poudres, ampoules étaient avalés, absorbés, étalés, respirés, injectés !...Et pour prescrire, administrer, piquer, il en fallait du personnel soignant qualifié. La médecine était donc en bonne santé et l’économie la remerciait.
Il faut préciser aussi que parfois, des gouvernements bien attentionnés donnaient quelques subventions pour organiser cette grande fête. Les citoyens, occupés à se soigner, devenaient plus dociles. Et certains en oubliaient même leur rôle élémentaire, celui d’aller voter!...
Oui, ce bal des malades était vraiment une belle réussite !
Leïla, écrit en avril 2012
