Destination : 91 , Traîtres
Traître ou ne pas traître ?
Évidemment, si on lui avait posé la question, il ne se serait jamais défini comme un traître. Ni un fourbe, ni un lâche, ni un menteur, ni un faux-jeton. Et pourtant, nombreux étaient ceux qui n’en pensaient pas moins ! Certains ouvertement, d’autres secrètement. S’il en avait eu connaissance, il en serait tombé à la renverse !
Les reproches à son égard pouvaient être différents, selon l’angle de vue et la personne qui faisait part de ses récriminations : son ancien meilleur ami qui avait découvert qu’il couchait avec sa femme ; cette même femme quand elle avait compris qu’elle n’était pas la seule à partager son lit ; son voisin de palier quand il n’avait pas soutenu la pétition contre l’augmentation des charges de la copropriété ; le maire qu’il avait abandonné alors qu’il s’était engagé à soutenir la campagne électorale ; ses collègues quand il n’avait pas suivi le mouvement de grève dont il avait lui-même lancé l’idée.
Et pourtant, malgré tout cela, lui ne se voyait pas, mais alors absolument pas du tout comme une espèce de traître. Et d’abord, un traitre, qu’est-ce que c’est, en fait ? Est-ce que ce n’est pas, au final, une construction culturelle qui peut donc varier d’un pays à un autre, d’une époque à une autre, d’une personne à une autre ? Bref, ces considérations ne nous font pas beaucoup avancer d’autant que, soyons francs, elles étaient loin aussi de le concerner car il ne se posait tout simplement jamais la question.
Car pour lui, l’essentiel, ce qui primait par-dessus tout, c’était d’être honnête avec et envers lui-même. Il n’aurait pas supporté d’aller à l’encontre de ce que son corps, son esprit, son cœur et parfois même les trois ensemble lui indiquaient. Cela aurait été, pour lui, la seule véritable traîtrise.
Aussi pouvait-il comprendre ce que certains pensaient de lui mais il ne les rejoignait pas dans cet avis. Égoïste, égocentrique même, ça oui, très certainement. Mais un traître, non ! En tous les cas, pas un traître à lui-même !
