Destination : 134 , Chasse au trésor
Trésor
TRESOR
Un jeune ours se réveilla de son sommeil hivernal. Depuis quelques années, il avait quitté sa mère. C’était un grand ours, si grand, si fort, si puissant que tout le monde avait peur de lui. Mais il était aussi terriblement maladroit. Ses amis s’étaient peu à peu éloignés. On racontait même qu’un magnifique élan avait perdu une corne au cours d’une partie de colin-maillard et qu’il avait failli écraser le lièvre et même la tortue. Il vivait seul, retiré dans une grotte dont il sortait dès que les premiers rayons du soleil réchauffaient la forêt.
Chaque printemps, il sortait le museau et d’un coup d’œil observait prudemment les alentours de la caverne. Quelque chose aurait-il changé ? Souvent il était déçu, mais ce jour-là une petite tache blanche, abandonnée sur la mousse naissante, attira son attention. Il s’approcha, flaira, retourna d’un coup de patte cet objet. Il reconnut une feuille de papier ; enfin un morceau de papier couvert de petits signes noirs comme les pattes d’une abeille. Il emporta sa découverte dans sa caverne.
La mémoire lui revint peu à peu. Il avait déjà vu ces signes. Il parvint tout doucement à les assembler ; ils devinrent des lettres puis des syllabes. Il déchiffra bientôt des mots puis un texte. C’était le fragment d’une lettre. Quelque inconnu avait donné un rendez-vous. Son trésor rangé au fond de son antre, il sorti heureux en quête de nourriture.
D’abord, il renifla l’air, inquiet, puis il s’approcha à couvert. Sa haute taille lui permit d’apercevoir une cabane en bois. La porte était grande ouverte et assise devant, dans un fauteuil en toile rouge, une femme ; une frêle et jolie femme brune. Elle lisait. Elle lisait un livre à la couverture verte et dorée ;
L’ours retint son souffle. La jeune femme leva les yeux mais ne le vit pas ; elle reprit sa lecture paisiblement. Il revint le lendemain, puis le surlendemain, puis…
Tous les jours, s’approchant un peu plus, elle finit par percevoir sa présence et l’accepta. Maintenant, couché près d’elle, il se laissait bercer par la douceur de sa voix. C’était comme la dégustation de miel. Il s’enhardit à lire lui-même des passages de roman ou des nouvelles et elle l’écoutait en souriant.
L’été passa puis l’automne lui succédèrent à ce printemps magique dans cette tendresse mutuelle teintée d’un sentiment amoureux. Il était prêt à laisser sa solitude sur le bord de sa route et à rester près d’elle et toujours.
Il écrivit alors une lettre à la jeune femme brune. Lui qui avait banni tout crayon depuis tant années !
Il se rendit à la cabane. Plus il approchait et plus l’inquiétude lui coupait le souffle. La porte était fermée, les volets clos. Plus de fauteuil rouge, aucun signe de vie, aucune trace de la jeune femme brune. Elle avait disparu.
Lourd, très lourd, son cœur. Il tourna les talons, il aperçut alors, sur la pierre à l’entrée de la maison, le livre vert et doré, le premier qu’ils avaient lu ensemble. Il le prit et comme un échange, il déposa sa lettre qui s’envola au vent.
Rentré dans sa caverne, il se roula en boule dans un coin sombre en serrant le livre entre ses pattes. Il finit par s’endormir.