Destination : 140 , Mythes et légendes


Au pays de l'enfance.

Je m’appelle Peter. Je suis un garçon de 13 ans. J’habite dans un petit appartement de banlieue avec ma mère.

Maman travaille dans un hôpital de la ville.

Chaque matin, nous prenons le bus ensemble. Moi, je descends au premier arrêt pour le collège, elle, au dernier.

Je suis un élève moyen.

Il y a une fille dans ma classe qui s’appelle Wendy. Elle est tellement belle que je passe parfois de grands moments à la regarder et j’oublie d’écouter le cours. Elle ne semble pas m’avoir remarqué et je suis trop impressionné par elle pour l’aborder.

Lorsque je quitte le collège, le soir, je suis souvent seul jusqu’au retour de maman. Alors, je ne suis pas pressé de rentrer. Je m’assois sur un banc dans le jardin public et je regarde les gens.

Un jour, Wendy est passée tout près de moi et j’ai osé un petit sourire. Wendy s’est arrêtée, m’a regardé et a dit « Nous sommes dans la même classe n’est-ce pas ? »

J’ai bredouillé un « oui » timide. Elle a souri et s’est assise près de moi. Mon cœur s’est mis à cogner comme un fou. Elle était là, à côté de moi et je ne savais que dire.

C’est elle qui a pris la parole la première. « Sais-tu qu’il y a des enfants de notre âge qui vivent dans la rue ? ».

« Non » Répondis-je.

« Veux-tu les voir ? »

« Je veux bien »

« Suis-moi »

Wendy m’a entraîné dans un quartier où je n’étais jamais allé car il n’y a que des entrepôts désaffectés. Nous sommes passés par une porte en fer qui ne fermait plus et donnait dans un grand couloir au bout duquel se trouvait une petite cour. Il y avait là des palettes en bois, des roues de vélo, de vieux matelas, des tas d’objets divers au milieu des touffes d’herbe.

Quatre garçons étaient assis autour d’une sorte de table au milieu de laquelle était posée une boîte d’ananas ouverte. Ils dégustaient les rondelles de fruits avec leurs doigts dégoulinants de sirop.

Wendy s’est assise avec eux et je l’ai suivie. Ils nous invitèrent à partager leur festin.

Je me demandais depuis combien de temps ils vivaient ici. Où étaient leurs parents.

L’aîné des quatre garçons dit alors « Ce soir nous allons sur l’île aux enfants. Voulez-vous venir avec nous ? »

Nous nous sommes regardés avec Wendy et j’ai dit « oui » avant même d’y avoir réfléchi.

La nuit est tombée rapidement. A la lueur bleutée des réverbères, nous avons pris un chemin qui longeait la rivière. Puis, nous marchions dans l’obscurité, juste guidés par la faible lumière d’une petite torche électrique que tenait l’aîné des garçons.

Après avoir franchi broussailles et branchages, nous sommes parvenus sur les berges d’un lac. Les garçons ont sorti une sorte de radeau camouflé sous les feuillages. Nous nous sommes installés dessus et avons dérivé doucement vers le centre du lac.

« En route pour l’aventure ! » a dit l’aîné des enfants. Il dirigeait le radeau grâce à sa lampe de poche et une grosse branche qui servait de gouvernail.

Nous avons ainsi atteint une plage. « Bienvenue sur l’île aux enfants ! »

Une grosse lune toute ronde éclairait d’une lumière argentée d’énormes fleurs sur lesquelles se posaient d’étranges insectes scintillants, voletant dans une traînée de poussière d’or.

Je me sentais très léger. Mes pas rebondissaient de plus en plus haut, comme sur un tremplin.

Par moment, je ne touchais plus le sol et il m’arrivait même de voler.

Nous nous sommes très vite retrouvés au milieu d’un vol d’étourneaux, en plein ciel, non loin des étoiles brillantes et de la lune amicale.

Je revivais exactement ce que j’avais ressenti la première fois que j’ai nagé dans la mer avec grand-père. Quelle ivresse !

Nous traversions des nuages de papillons de nuit et des arcs-en-ciel. Nous frôlions des cerfs-volants et des ballons dirigeables. Des vélos ailés.

Des sorcières grimaçantes et édentées sur leurs balais magiques. Aladin sur son tapis volant.

Dois-je préciser que j’ai connu un moment magique qui avait le goût du rêve, le parfum de l’aventure. Un fabuleux voyage, partagé avec les enfants de la rue que je n’ai plus jamais retrouvés. Car le temps, implacable, grignote le merveilleux que nous gardons en nous comme un bijou dans un écrin.

L’écrin est toujours là, mais son contenu s’évapore doucement, laissant une pâle trace, un vague souvenir, celui d’avoir été un enfant.

Fabinuccia