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Destination : 306 , Même au-dessus des nuages le ciel est bleu

Voisin de Pallier

« Au-dessus des nuages, le ciel est toujours bleu. »

Il avait toujours été d’un optimisme à toute épreuve. Pour lui, quel que soit le problème et son ampleur, il y avait forcément une solution. Et, si on ne trouvait pas de solution, eh bien ! C’est qu’il n’y avait pas de problème ! Il voyait la vie comme un grand terrain de découvertes, certaines plus agréables que d’autres. Chaque jour était de même la possibilité d’un nouveau départ, d’une renaissance pour une nouvelle vie.

Là où les autres ne voyaient que le gris d’un quotidien ennuyeux et pesant, il opposait les couleurs de la vie : le miracle d’un ciel bleu en plein mois de novembre, le rouge d’une guirlande lumineuse d’une soirée glaciale de décembre, l’orange d’une fleur résistante sous la pluie d’automne, le mauve d’un lilas parfumant les brouillards de mai. Je ne sais pas d’où lui venait cette aptitude si particulière ; je ne sais pas non plus s’il avait toujours été comme ça.

Quand je l’ai connu, il était entre deux âges et moi, qui était alors toute jeune, je le pensais déjà vieux. Il vivait seul, n’avait pas de famille et ne recevait quasiment pas de visites. Son appartement était situé sur le même palier que le mien et, par un hasard incroyable, au lieu de se battre pour une illusoire question de territoire, nos deux chats étaient devenus les meilleurs amis du monde. C’est comme cela que nous avons fait connaissance. Peu à peu, nous avons sympathisé et, nous avons commencé de nous fréquenter. Le soir, en rentrant du travail, je m’arrêtais chez lui, boire un verre de limonade, et discuter un moment. Je gardais cette habitude même après mon mariage et même après la naissance des enfants qui virent dans ce vieux voisin un grand-père supplémentaire.



Dès les premières semaines, j’avais été stupéfaite par ce regard positif qu’il portait sur chaque chose et chaque être. Cette façon d’être me faisait du bien, me permettait de relativiser Mais le jour où mon chat mourut, après une quinzaine d’année de compagnonnage fidèle, cet optimisme, pour la première fois, me dérangea. Je savais bien qu’il avait raison, que cette disparition était naturelle et somme toute, heureuse car peu de chats ont ainsi la chance de s’éteindre tranquillement dans leur sommeil. Mais tout de même, mon chagrin à moi était bien réel et sa façon de tourner les choses me donnaient l’impression de ne pas en avoir le droit ou pire, de ne pas être normale. Mais je mis cela sur le compte de mon deuil et oubliais rapidement mon ressentiment.

Mon voisin n’eut pas la chance de mon chat et fut emporté par un cancer terriblement douloureux. Je lui rendis visite à l’hôpital, autant que je le pus. Il ne disait plus rien, n’ouvrait quasiment pas les yeux. Je n’osais pas lui demander comment il se sentait tant la réponse pouvait sembler évidente au vu des circonstances. Le fait est qu’avec lui, je n’en savais objectivement rien !



Nous étions trois pour assister à son inhumation. Moi, mon mari et le concierge de l’immeuble. Ce désert humain me sembla indécent, je ne concevais pas qu’on puisse à ce point être isolé. Pas un membre de sa famille, pas un ami, pas un ancien collègue, un camarade de régiment, un voisin d’enfance, une vague connaissance. Personne. Ma sidération fit place à la curiosité. Je voulais découvrir qui était ce voisin que j‘avais côtoyé pendant des années sans finalement jamais vraiment le connaitre. Je décidais de partir à la recherche de son histoire.

myriam