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Quatres en Un

CENTON



Heureux qui, comme l’enfant, songe à la douceur

D’aller vivre là-bas, conquérir la toison

Pour aimer à loisir, plein d’usage et raison

Les charmes mystérieux des yeux brillants de pleurs.



Quand reverrai-je, hélas, l’ordre et la volupté

Des plus rares fleurs et en quelle saison ?

Les vagues senteurs d’ambre de ma pauvre maison,

La splendeur orientale de mon âme au secret ?



Plus me plait le séjour dont l’humeur vagabonde

Que des palais romains venus du bout du monde,

Plus que les marbres blancs me plaisent les soleils couchants.



Plus que le Tibre Latin, toute la ville entière

Plus que le Palatin dans sa chaude lumière,

Et plus que l’air marin, l’hyacinthe et l’or des champs.



Joachim Baudelaire





CHIMÈRE



Mes parents, mes aïeux

Je vais être audacieux,

Aller là-bas, faire un voyage,

Vivre et partir,

Vivre et conquérir

Pour le restant de mon âge.

Traverser la Loire,

Contourner le Liré,

Quitter la douceur angevine,

Le clos de mon village

Les cheminées si sages

De cette belle province fine.



Ici, tout n’est qu’usage et raison,

Là-bas, j’irai conquérir la toison.



Sentir l’air marin,

Sur le mont Palatin,

Et, dans le Tibre plaisant,

Rafraichir mon front,

Si plein de passion

Et de rêves ardents.

Des palais romains,

Polis de marbre latin

Remplacent nos maisons.

La fine ardoise

Teinte gauloise

De ce séjour hors saison.



Ici, je vais conquérir la toison

Là-bas, tout n’était qu’usage et raison.



Et puis un jour,

Lassé de ce séjour,

Je tournerai le dos et m’en repartirai.

Petit Ulysse

Au front heureux

Vers la pauvre maison qui tant me plait.

Revoir mon village,

Le petit clos sans âge

Fumant à travers sa cheminée.

Bâti par mes aïeux

Au front audacieux

Pour y vivre mes dernières années.



Ici, j’aurai conquis la raison,

Là-bas, tout n’était qu’usage et toison.





LIPOGRAMME EN A



Mon petit, mon cœur

Songe quelle douceur

De venir vivre ensemble !

Rêver et dormir,

Rêver et mourir,

En ce lieu qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les couleurs

Si mystérieux

De tes perfides yeux

Mouillés et emplis de leurs pleurs.



Ici, tout n’est qu’ordre et volupté,

Luxe, tendresse et sérénité.



Des meubles lustrés

Polis par le temps

Décorent notre univers,

Les plus belles fleurs,

Mêlent leurs odeurs

De lourdes senteurs d’encens.

Les riches guéridons

Les miroirs profonds

De splendeur de Chine

Tout y respire

En secret des esprits

Le chœur des origines.



Ici, tout n’est qu’ordre et volupté,

Luxe, tendresse et sérénité.



Vois le long des ports

Dormir ces doux trésors

En des soutes pleines et rondes.

C’est pour nourrir

Ton moindre désir

Qu’ils viennent du bout du monde.

Les soleils de plombs

Revêtent l’horizon

Le môle et le port tout entier

De pourpre et d’or.

Le monde s’endort

En un soir illuminé.



Ici, tout n’est qu’ordre et volupté,

Luxe, tendresse et sérénité.





TAUTOGRAMME EN A



Béat qui comme Icare a fait un grand voyage

Quand comme l’autre là qui gagna la toison

Avant de repartir, sans usage et raison

Habiter avec son papa le restant de son âge.



Quand regarderai-je, hélas, de mon charmant village

Flamber le bois dans l’âtre et à quelle saison,

Regarderai-je le toit de ma grande maison

Qui m’est havre natal et bien tant davantage ?



Car me plait le local bâti par mes parents

Plus que palais romains aux arches éclatants,

Plus que le marbre blanc me plait l’ardoise noire.



Plus ma Loire gauloise, que les canaux latins

Plus ma basse montagne que le grand Palatin

Et plus que l’air marin, l’orage fatal du soir.







myriam