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De père en fils
Période historique : Le siècle d’or des Pays-Bas (1584-1702)
Personnage : Petrus Waghnaer : Riche marchand hollandais spécialisé dans la taille des diamants, possesseur de plusieurs « Flûtes » navires marchands pour le commerce des épices et pierres précieuses avec l’Inde
Lieu : Amsterdam au XVIIe siècle : Les hautes façades de briques des maisons bourgeoises, ses canaux, son port dénommé « l’entrepôt du monde »
Objet : Une pièce de monnaie : Florin d’or
Un élément vestimentaire : Feutre noir à larges bords
Une couleur : Gris clair
De père en fils
Petrus, assit dans un massif fauteuil de chêne, pose pour son ami le peintre Jan Blaeu. Des rides profondes accentuent la sévérité et la gravité de son visage. Pour les besoins du portrait, il porte un feutre noir aux larges bords. Son habit de soie et de velours noir est juste rehaussé par une collerette de dentelle blanche. Ses pieds, chaussés élégamment, portent de larges boucles d’argent. Ils se reposent sur un tapis précieux aux couleurs vives.
Petrus est un fervent calviniste, il ne se permet aucune fantaisie vestimentaire mis à part les boucles d’argent sur ses chaussures.
Jan Blaeu est catholique cela lui donne une mauvaise réputation. Il s’en moque, il est le protégé de Petrus. C’est un bon vivant, doté d’un humour joyeux. Ses natures mortes exposant des victuailles à foison et de la vaisselle rutilante font sa renommée.
« Comment vais-je pourvoir faire naitre un soupçon de tendresse sur ta face de carême Petrus ? Tu deviens de plus en plus triste. Pourtant tes affaires vont à merveille, tu n’as jamais été aussi riche et respecté, tu as un fils brillant qui entre bientôt dans la prestigieuse université de Leyde pour y étudier les mathématiques et les sciences. Ta santé est solide, tes pensées parfaitement organisées et ton cœur est généreux. Que te faut-il de plus ? Veux-tu que je demande à ma servante de nous apporter une aiguière de ce nectar français à la robe or ? »
Pétrus esquisse un sourire, retire son chapeau et se lève. « Achevons là cette séance, Jan. Je suis tourmenté. Je dois me rendre à l’orphelinat près du Dam. Je voudrais te présenter quelqu’un et connaître ton avis ».
Le chien de Jan, un « Kooiker », aussi sociable et enjoué que son maître, qui figure dans presque tous ses tableaux, tente de les suivre. Il est repoussé à grand renfort de caresses.
Le « Dam » grouille de vies. S’y côtoient des marchands ambulants qui offrent sur leur charrette des fruits, des légumes, des jeunes vendeurs de pains bruns garnis d’épices, de riches bourgeois avec cape et chapeaux aux formes variées formant des groupes bavards, des visiteurs étrangers reconnaissables à leurs vêtements colorés, des enfants, riches et pauvres, se poursuivant.
Pétrus Waghnaer, comme beaucoup de calvinistes fortunés, se préoccupe du sort des nombreux migrants qui ont fuient l’Espagne et le Portugal, comme les juifs, pourchassés et massacrés par les autorités catholiques.
Il avait ouvert un orphelinat et une fondation charitable.
Pétrus fait visiter à son ami les salles d’études, les dortoirs, les cuisines. Partout l’ordre et la propreté règnent.
Les enfants et les adolescents peuvent se reconstruire sereinement en conservant leur religion.
« Je voudrais te montrer un endroit où l’on réalise des merveilles » Ils entrent dans un atelier de couture.
De hautes fenêtre laissent pénétrer la lumière à flot. Professeurs et étudiantes accourent. Pétrus est reçu comme un roi.
Jan remarque que le visage de son ami se détend enfin, surtout lorsque se présente une jeune fille qui lui tend un magnifique gilet de soie brodé d’un gris moiré.
Elle est d’une beauté saisissante. Des boucles brunes s’échappent de son bonnet rond de dentelle. La carnation de sa peau rappelle la nacre. Ses larges yeux sombres abritent un regard qui émeut.
Jan remarque avec stupéfaction que son ami rougit. Est-il possible qu’un sentiment amoureux puisse animer cet homme déjà âgé, si rigoureux, si intransigeant avec lui-même ? L’orpheline semble si jeune.
Pétrus lui a donné sa bourse gonflée de florins d’or. À la prochaine occasion, il serait capable de lui offrir un coffret rempli de diamants soupire le peintre.
Ils marchent en silence. « Que penses-tu de cette jeune fille ? » demande Pétrus d’une voix angoissée. « Je pense que tu l’aimes comme aime un jeune homme. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je ne sais. Au seuil de ta vie c’est peut-être un merveilleux cadeau que te fais le ciel. Cependant comment ton fils prendra la chose si tu te marie avec cette enfant ? »
Le visage de Petrus se décompose. Il balbutie : « Oui, mon fils, naturellement. Comment pourrait-il supporter cela ? »
Cadenassant son cœur et ses sens, Petrus partit pour un long voyage d’affaires dans les nouvelles colonies hollandaises. Il mourut lors du naufrage de son navire au large du Brésil.
Son fils termina brillamment ses études. Jan lui fit rencontrer la belle orpheline, dont, tout comme son père, il tomba immédiatement amoureux.
Que ce serait-il passé si Petrus avait épousé la demoiselle ?