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Homme qui es-tu ?
L’automne avance à pas de géant sur le massif vosgien. Les sapins pectinés, fiers dans leur armure grisée, les pins sylvestres hautains, affichant leur bonne mine orangée, les épicéas, athlètes bruns élancés, toute cette armée odorante à présent frissonnent. Les ramures mal menées par un vent froid et coléreux murmurent de tristes complaintes.
Il a sorti un fauteuil, un fauteuil de bois, qui certainement s’effondrera avant le printemps.
Il écoute de toute ses oreilles les chants de la nature. Son chien l’a rejoint.
Il a loué pour l’année cette maison forestière inconfortable, égarée en pleine forêt. Un coup de tête, le jour de ses trente ans, devant son gâteau d’anniversaire, qui avait fait perdre le sourire à son compagnon et ses amis.
« J’ai besoin de prendre du recul. J’ai l’impression de n’être qu’une marionnette dans ma vie. Tout me semble vide de sens. La Boite a accepté que je prenne une année sabbatique. »
Son compagnon, pale de colère, avait répliqué « Je ne serais peut-être plus là à ton retour ». Avec un sourire triste, il avait répondu « Je le comprendrais parfaitement ».
Lecture, écriture, apprentissage de l’allemand grâce à magnétophone, longues promenades avec son chien, occupent ses journées. Pas de télévision pour le ramener au brouhaha des hommes, juste un ancien poste de radio qui crachote, suivant ses humeurs, un peu de musique classique.
Cette vie d’ermite lui permet de dormir mieux, mais il se sent encore absent à lui-même.
Soudain son chien se redresse, le museau tendu vers l’orée de la forêt. Il aboie joyeusement, sa queue se met à danser, puis il file vers les hautes fougères et les sapins.
« Il va retrouver un ami. » Il est tout à la fois heureux et jaloux. Il part à la recherche de sa bête.
Un spectacle étonnant l’attend dans une clairière : son chien et un renardeau jouent à se poursuivre, à se mordiller, à sauter, à se rouler dans les herbes : Une extraordinaire amitié entre des animaux de race différente ! Il est ébahi, ébranlé. Rien de pourrait séparer ces deux-là.
Il siffle doucement son chien qui revient vers lui. Le renardeau s’est figé. Lentement, il tend une main vers lui. Le chien fait des allers et retours entre son maître et le renardeau comme pour le rassurer. Le renardeau refuse l’invitation, sans se presser, en se dandinant, il regagne la forêt.
Il est revenu vers la maison forestière le cœur léger. À présent, il a un but : apprivoiser le renardeau. Il le fera humblement, sans se décourager, sans jamais rien exiger.
S’il avait allumé le vieux poste de radio, celui-ci aurait hoqueté : « Le préfet des Vosges vient d’autoriser une campagne d’abattage des renards, reconnus comme des animaux nuisibles. »
Homme qui es-tu ?