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Destination : 356 , Novélisation

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Suzanne avait tout pour être heureuse : un bon mari, trois enfants magnifiques et en bonne santé, une jolie maison moderne avec un petit jardin dans un quartier tranquille. Vraiment, il n’y avait rien à redire.

A l’aube de ses trente-cinq ans, Suzanne se sentait une femme comblée. Ce soir, son mari et elle allaient fêter leurs quinze ans de mariage. Quinze ans, ce n’était pas rien, tout de même ! Dans le calendrier de PTT suspendu à la cuisine, elle avait vu que cela s’appelait les noces de saphir. Bien sûr, Suzanne savait très bien, qu’entre le crédit de la maison et les écoles des enfants, son mari n’avait pas les moyens de lui offrir une vraie pierre mais, tout de même, elle s’attendait à recevoir un bijou, une bague ou une paire de boucles d’oreilles, pourquoi pas les deux ?

Les enfants étaient partis chez leur grand-mère pour la soirée, ils ne rentreraient que demain. Ils avaient donc toute une nuit devant eux, seuls, comme aux premiers jours de leur mariage, juste avant la naissance de l’ainée. A ce souvenir, le visage de Suzanne s’assombrit légèrement. Cette grossesse avait été un accident, qu’il avait vite fallut effacer en précipitant les noces. Parfois, Suzanne se rendait compte qu’à l’époque, elle n’avait même pas eu le temps de se demander si ce beau jeune homme, élégant et gentil, était vraiment le bon, ni si elle-même était réellement amoureuse. Heureusement, leur mariage avait été à la hauteur de ses attentes de jeune fille !

Oh, bien sûr, tout n’avait pas toujours été rose dans leur relation, il ne faut pas croire ! Il y avait eu des moments plus difficiles, comme cette histoire avec la secrétaire, il y a un an (mais c’était terminé maintenant, il le lui avait juré). Et puis ces deux fausses couches, dont elle ne parlait jamais mais qui avaient, pour toujours, laissé un vide dans son cœur. Son mari lui intimait de ne pas gémir sur son sort, que c’était la nature et qu’il y avait des choses bien plus importantes que cela dans la vie, comme le prix du pétrole qui ne cessait d’augmenter ou les exigences toujours plus dures de son patron et des clients de la boite ; ça oui, c’était vraiment des soucis considérables. Mais, évidemment, elle ne pouvait pas comprendre, elle ne travaillait pas, elle n’avait qu’à s’occuper de la maison et des enfants entre deux tasses de thé. Suzanne secoua ses jolies boucles brunes, et soupira doucement. Tiens, pour une fois, en attendant son mari, elle allait boire un petit verre de Suze, ça changerait du thé.

Tout était prêt, la table était dressée, le rôti cuisait doucement au four, la bouteille de vin était ouverte. Quand il ouvrit la porte, elle ne se précipita vers lui. Elle voulait laisser trainer cette attente joyeuse, elle avait envie qu’il la rejoigne dans le salon, peut-être avec un bouquet de fleurs à la main ; qu’ils se servent un apéritif et trinquent ensemble à leur vie, leur famille, leur bonheur. Mais visiblement, ce n’était pas son intention à lui… Il l’appela de la cuisine où il était directement allé. Elle le rejoignit, un peu déçu de ne pas pouvoir profiter encore un peu de la lumière tamisée et du confort du canapé. Mais bon, il devait avoir une bonne raison.

En effet, sur le plan de travail, trônait un paquet assez volumineux, emballé dans un joli papier coloré et enrubanné. Suzanne se dit que c’était un peu grand pour une simple paire de boucles d’oreilles… Son mari avait l’air si fier en lui montrant sa surprise, elle s’avança et défit l’emballage.

Quand elle découvrit le contenu, Suzanne marqua un temps d’arrêt, stupéfaite et… un tant soit peu dépitée. Mais devant le grand sourire de son mari, elle ravala sa déception et lança un timide merci qui ravit son mari. Il ne s’était aperçu de rien et se mit à vanter les innombrables qualités de cette fabuleuse cocotte-minute qui allait, selon lui, grandement lui faciliter la vie. Les aliments allaient cuire tout seuls, elle pourrait ainsi vaquer à d’autre occupations (comme boire une tasse de thé ou un verre de Suze, ne put-elle s’empêcher de penser amèrement). Et tandis qu’il déballait son discours aussi éclairant qu’une annonce publicitaire, elle ne pouvait s’empêcher de penser à l’affiche géante, vue quelques jours plus tôt à la devanture du supermarché. Et Suzanne, pensive, se demandait ce qu’elle devait comprendre de ce cadeau : était-elle une mauvaise cuisinière ou avait-il besoin d’une nouvelle cocotte ?

myriam