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L’orage



L’air est lourd, compact. Pas un souffle. Une menace s'organise. L’attente met les nerfs à vif. Le chiens se tait. Le chat s’est caché.

Elle sue et, en vain, s’évente en scrutant le ciel. Elle est seule dans la ferme isolée. Elle a voulu cette solitude. « Pour me retrouver » pensait-elle. Sourire amère. Qu’a-t-elle retrouvé qu’elle avait perdu ? Rien. Rien de plus dangereux qu’un rendez-vous avec soi. Soi et tous les fantômes du passé murmurant.

Rien ne se décide encore dans le ciel toujours d’un bleu un peu pâle se salissant peu à peu de gris.

Elle a débranché la télévision, éteint les ordinateurs, cassé un verre, renversé sa tasse de thé. Sa soudaine maladresse l’irrite.

Puis, enfin, l’orage se décide. Il pousse son armée de pions noirs, fait sonner ses tambours. Et çà gronde en fauve. Et çà craque et çà pète, mais c’est encore loin.

« Il faudrait : fermer toutes les fenêtres ». C’est la voix de sa mère, sortie du néant, qui dit cela. Elle la revoie, femme laborieuse, aller vivement chercher le linge qui séchait sur un fil devant le potager. « Si tu vois un éclair, compte sur tes doigts. Plus tu compteras, plus il sera loin »

Le ciel anthracite se zèbre, là-bas au dessus du petit bois. Elle se sent si fragile sous l’orage qui approche, comme mise à nu, ramenée à sa condition de fourmi cherchant en vain sa route, en poussant sa charge trop lourde.

Terreur enfantine retrouvée. Ça gronde, çà claque encore et encore. Par moment une lumière éclatante transperce le ciel. Elle sursaute violemment terrorisée par la foudre. Tout s’est tu pour écouter le monstrueux concert.

La pluie est tombée. D’abord timidement, juste quelques « ploc, ploc » sur la toiture, puis elle a crépité sur les vitres. Elle est tombée drue mettant l’orage en déroute.

Elle a rouvert les fenêtres. Elle sort et hume l’air nouveau parfumé par le foin et les herbes. Les pavés de la cour, nettoyés de près, luisent. Le chien jappe en courant vers elle. Le chat, à pattes précautionneuses, essaie de retrouver sa place favorite sur une grosse pierre plate. Dans le platane centenaire, une fauvette chante.

Elle respire. Une paix bienheureuse s’est installée dans sa tête.

Le téléphone sonne : « Tout va bien. Mais oui tu peux venir. Si, si, je t’assure cela me fera très plaisir ».



EVELYNE W