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Destination : 96 , Mac Guffin littéraire
Mac Machin
Ma mère nous disait toujours : « Si vous voyez un homme cracher dans le feu, lancez-y vite une écorce noire avec la main droite pour conjurer le mauvais sort, sinon les vers envahiront la maison ». Je n’ai jamais compris ce précepte qui me semble aussi bête qu’un caillou…
Souvent, je me promenais sur les chemins de la lande, pour écouter le chant des alouettes. Je cheminais vers les bois, en continuant de reconnaitre les arbres que je croisais sur ma route : les bouleaux, chênes, érables et autres ifs dont la silhouette m’accompagnait depuis l’enfance. Je les connaissais comme des membres de ma famille, les seuls encore debout aujourd’hui.
Enfant, on disait que j’étais belle comme une rose. Heureusement je n’étais pas aussi fragile ! J’aimais jouer au chevalier loyal avec mes frères qui devenaient, à tour de rôle, le cheval fier sur le dos duquel je grimpais. C’était alors un véritable chaos de rires et de cris enfantins. Je partageais ma vie avec mon autre passion : la géométrie. J’adorais passer des heures dans la bibliothèque, à tracer des idéogrammes compliqués dont moi seule savait la signification.
En grandissant, j’ai arrêté de jouer à la guerre. Mes frères, tous plus âgés, sont peu à peu partis de la maison et je me suis retrouvée seule. Je me suis mise à explorer le jardin et le petit bosquet derrière la maison. J’ai découvert une vie animale riche et inconnue, que je n’avais pas vu jusqu’alors. Un blaireau et un renard brun vivaient dans la haie, tandis qu’une chouette blanche s’était attachée au grand hêtre, près du vieux puits. Et j’ai commencé à danser…
Je dansais, au son des guitares et des tambours qui résonnaient dans ma tête ; je dansais entre les divans et les sofas de coton de mon alcôve ; je dansais dans le potager, entre les artichauts et les aubergines, sous le ciel d’azur du soleil au zénith. Je dansais tout azimut… C’est alors que je rencontrai l’amiral, un jour qu’il s’agaçait des fanfaronnades du cordonnier dans son magasin. Entre nous l’alchimie fut immédiate. Nous nous retrouvions régulièrement pour parler de notre passion commune : les mathématiques. Il m’initia à l’algèbre, à la chimie des chiffres et du zéro. Nous passions nos après-midi à discuter en sirotant, lui du café sans sucre, moi une limonade parfumée à l’orange ou à l’abricot que j’aimais à rehausser d’une pointe de safran ou de cumin et que je préparais dans une belle carafe autrefois dévolue à l’alcool.
Les mandolines et les violons remplacèrent les guitares et tambours de ma jeunesse, tandis que mes sentiments pour l’amiral grandissaient. Ce n’était de ma part, ni un caprice, ni une bagatelle. Je m’éloignais de la villa familiale pour prendre un appartement dans lequel vivre notre amour librement. Il était devenu ma boussole. Et puis la guerre éclata… Mon bel amiral me quitta, la moustache frémissante à l’idée de sentir bientôt l’odeur de la poudre et du canon. Lui et ses soldats furent chargés du siège d’une puissante citadelle, protégée par une cavalerie féroce. Une suit, la sentinelle donna l’alerte et les bombes tombèrent sur le navire. Aucun homme n’en réchappa.