Destination : 18 , Détournements majeurs.
Les musiciens de Barcelone
Il était une fois en Catalogne quatre miliciens qui avaient pour passe-temps de participer à des pyramides humaines, pratique sportive courante en cette partie de la Péninsule Ibérique.
Pepe, un homme robuste et musclé, solide sur ses deux jambes, rompu aux travaux durs et habitué à porter de lourdes charges, ne brillait pas par son intelligence, mais braillait tant et plus et ne cédait pas d'un pouce dans les querelles, un véritable âne bâté !
Pedro, fidèle et bonasse, aux grands yeux doux et à l'air pataud, suivait partout son ami Pepe comme un toutou.
Paco, toujours à se frotter aux jambes des belles et repoussé par elles, toujours gris la nuit, et Pablo, le petit coq de la cité, souteneur de deux poules de bon rapport, leur tenaient souvent compagnie.
Un jour, Pepe, jamais à court d'idées saugrenues, proposa à ses acolytes de réaliser une pyramide à eux seuls, une pyramide, que dis-je, une flèche ! Pedro n'avait jamais rien su lui refuser, il acquiesça sans sourciller et, posant une patte après l'autre dans les mains de son ami, se hissa sur ses épaules.
Paco, avec l'agilité et la souplesse d'un félin, s'élança pour constituer le troisième échelon, puis vint le tour de Pablo, léger comme une plume, qui vola plus qu'il ne grimpa vers le haut en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire et ne put s'empêcher de faire le fier en chantant.
Tous ces mouvements avaient brassé de l'air et déplacé des particules de sables qui provoquèrent chez Pepe un éternuement retentissant et firent tousser Pedro. Ces bruits et les soubresauts qui en résultèrent causèrent à Paco une telle frayeur qu'il poussa un cri et sursauta tant et si bien que le petit Pablo chut de son sommet glorieux, la tête la première dans le sable. Paco, secoué, prit le même chemin mais put retomber sur ses pieds sans trop de dommage alors que Pedro, qui n'avait pas pu parer à la dégringolade, roula cul par-dessus tête sur deux ou trois bons mètres.
Seul, Pepe, resté inébranlable, droit sur ses membres inférieurs, braillait encore contre ses copains qui n'avaient pas su garder leur équilibre.
Si les Musiciens de Brême avaient prouvé que l'union fait la force, les Miliciens de Barcelone, eux, (là, j'ai un doute à propos de Pepe), surent dorénavant qu'il vaut mieux bien faire et laisser braire. Ceci dit, les uns comme les autres, s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore.
