Destination : 159 , Polyphonies


Je risque de rentrer tard

Je risque de rentrer tard…

D’abord, j’ai cru qu’ELLE était partie chercher le pain. Je l’ai attendu pour diner. La nuit descendait, l’appartement devenait sombre, le réverbère de la rue éclairait la pièce. Je mis longtemps avant de me lever de mon fauteuil pour appuyer sur l’interrupteur. Le plafonnier avec ses deux tiges en forme de tulipe éclaira la pièce d’une lumière crue.

J’avais faim, je me rendis dans la cuisine, ouvrit le frigo, d’habitude je n’ouvre jamais le réfrigérateur, elle me gronde, me dit que j’allais tout déranger, et d’abord il n’y a rien a voir, c’est vrais, il n’y avait rien, juste un œuf, un morceau de fromage et un pack de lait. Elle serait furieuse si elle me voyait là, à contempler l’intérieur de l’appareil.

Après hésitation, je tendis la main, m’empara du bout de gruyère, et le mangea avec la mauvaise conscience que je faisais quelque chose de défendu.

Je n’osais pas toucher à l’œuf. J’avais peur de le casser, et puis qu’en faire ? On le cuisait comment ? Casser la coquille, verser le contenu dans une poêle ? Je n’avais jamais fait ça, toujours une femme pour me nourrir. D’abord maman, comme tous les enfants je suppose, puis ELLE, qui n’était pas rentrée ce soir.

J’allais dans la chambre, je m’étendis sur le lit. Dans un temps ancien, ce fut la chambre de mes parents. Rien n’avait bougé depuis plus de vingt ans que maman était morte, toujours les mêmes tentures marron. Les rideaux de fleurs orange. Deux lampes assorties sur deux chevets en velours, que j’éteignis. Je m’endormi, puis me réveilla en sursaut au bruit d’une porte qui claquait. C’est ELLE. Non, rien. Surement la voisine qui rentrait chez elle. Le plafonnier était resté ouvert dans le séjour. ELLE n’aimait pas que je laisse l’électricité ouvert. Ça coute cher disait-ELLE. Je me levais pour éteindre. Je m’aperçus alors que j’avais laissé la porte du frigo ouvert, j’allais la refermer. Heureusement qu’ELLE n’était pas là, ELLE m’aurait attrapé. C’est en refermant la porte que je vis la feuille de papier, mal collé d’un sparadrap à terre.

« Ne m'attends pas ce soir. Je risque de rentrer tard... ou jamais ! »

J Franois M