Destination : 84 , ? ?


Croisements

D 84 : Croisements

Des questions qu’elle se pose ?
- Est-ce que mes cheveux bougent quand je marche ? Et mes seins ?
- Une vitrine pour voir d’un coup d’œil ?
- Est-ce que l’envie me passera un jour de ces rencontres lunaires ? En ai-je envie, que l’envie me passe ?
- Il est bon son plan ?
- La sirène à deux tons, c’est les flics ou l’ambulance ?
- Jouerons-nous jusqu’au bout le jeu convenu ? Est-ce que le plus dur sera de garder le silence ? De garder nos yeux bandés avant, pendant et après ?
- Comment est-ce que « Les précieuses » appelaient une capote ?
- Qu’elle différence entre ce qu’il est et ce que je rencontrerai de lui ?
- Tu crois qu’on peut, au toucher, reconnaître la couleur des cheveux ? Crépus et blonds, c’est rare ?
- Je suis à combien là, sur l’échelle de mon trouillomètre ? Tu biches quand t’as peur ? Tu kiffes les chocottes ?
- Qu’est-ce qu’il a à me mater lui ? Tu veux ma photo Ducon ?
- A la réception, un mec ? Une nana ?
- Ca se voit que je suis à cent vingt pulsations minute ?
- Si j’arrive au poteau, là, avant que la vieille ait traversé, ça veut dire que ça se passera bien ?
- De quoi j’ai envie ? Qu’est-ce que je cherche ?
- C’est quoi la magie des mots ?
- Où peut nous mener la combinaison infinie de vingt-six lettres et quelques signes, balancés dans une machine qui fait des uns et des zéros ?
- C’est là ?

S’il se pose des questions ?
- Ca fait combien de temps que nous nous parlons sans entendre nos voix ?
- Combien de temps que nous nous effleurons sans nous être jamais touchés ?
- Combien de temps que nous mélangeons des fils choisis de nos vies, sans nous être une fois croisés ?
- Connaît-elle comme moi ce doux, ce savoureux mélange de peur et d’excitation ?
- Aimera t-elle aussi le contact et l’odeur inconnus des draps d’une chambre d’hôtel ?
- Check list ? La pièce est noire ? Elle ne risque pas de se cogner dans une chaise ? De se prendre les pieds dans mes habits ?
- Comment viendrons-nous l’un vers l’autre ? L’un dans l’autre ?
- C’est elle, ce bruit furtif dans le couloir ?
« C’est toi ?
- Chuuuuuut, viens-tu ma belle ? Viens-tu ma toute belle danser avec moi ? Viens-tu danser sous nos draps la danse lente de la découverte ? »

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Et quelques réponses…

Elle :
Cher p’tit mec !
J’ai marché dans tes rues, mon drôle de mec, mon p’tit mec d’un jour. J’ai suivi ton plan.
Sur le dessin, les rues sont blanches et vides. Ici, dans ta drôle de ville, drôle de ville pour une drôle de rencontre, les rues sont bruyantes, la police est pressée et les vieilles dames effrayées s’arrêtent , le temps de nous laisser notre chance.
Tu as vu, enfin tu as senti combien j’étais tendue en arrivant. J’ai failli arracher les yeux d’un type qui me demandait son chemin, à moi qui te cherchais dans ta ville inconnue.
« Splendid Hotel », j’te jure, fallait le faire ! Pas si mal, après tout. Je ne m’attendais pas au « Carlton » et j’étais prête à faire demi-tour si l’endroit m’avait paru trop craignos. J’t’adore, drôle de petit mec fauché ! N’empêche, le garçon à l’accueil m’a dit bonjour gentiment. Ses yeux n’ont même pas dit « Je sais pourquoi vous êtes là ». Ils m’ont dit bonjour simplement.
J’t’adore p’tit mec et, à défaut de vitrines, c’est dans tes yeux que j’ai vu mes seins vivants et chauds. J’ai aussi vu, oui j’ai vu dans la pénombre, mes cheveux crisser sous tes doigts. Mais avant ça, avant que tu ne te coiffes du « petit chapeau du bonheur », avant cela il y a eu notre rire, notre rire de gamins farceurs faisant voler en éclats la mise en scène que nous avions prévue. Bas les masques et les bandeaux ! Que se taise le silence !
Qui de nous deux a commencé ?
Je suis obligée de dire « merde ! » quand je me cogne l’orteil dans un pied de lit, obligée ! Oui, c’est ça, c’est mon orteil qui a commencé. Mon orteil, puis ton petit rire en réponse, étouffé sous le drap.
Le rire s’est invité, inattendu dans cette chambre. Je garde ça au creux de mon souvenir : ton rire d’abord un peu nerveux puis gai, si gai, naïf, je n’avais jamais entendu un homme rire comme cela. Et plus tard, ce long frisson traversant tes épaules. Ta bouche est douce et patiente, petit mec, merci.
Je ne saurais dire si notre rencontre fut lunaire, solaire, stellaire…. En tous cas, peu ordinaire. Je pense que nous ne nous reverrons pas, tu le sais. J’attends ton prochain message, tu le sais aussi. Je t’embrasse encore, j’ai un peu soif.
Bien à toi, bien à nous… et merde, j’ai un p’tit coup de blues ! Fais moi rire petit mec, encore, fais moi encore….
Ta Toi.


Lui :
« Chère Toi,
Je suis rentré de nous, rentré chez moi après ce tourbillon de nous. J’ai sur les mains le mélange de nos odeurs et celle des draps, toutes emmêlées.
C’est étrange, je m’assieds devant l’écran, le clavier, et je te retrouve. Toi d’avant qu’on ne se voie, tu as un peu changé …
Ca bouge, ce n’est pas simple, tu changes à chaque instant. Tu es plusieurs : toi de cette chambre d’hôtel, toi compagne sans visage de ces derniers mois, toi avec tes hanches larges devant mes yeux, toi sans pesanteur dans nos messages. Tu es l’une puis l’autre tour à tour, tu es lune… puis solaire. Kaléidoscope, tes portraits virtuels et visuels alternent, se chevauchent, défilent doucement.
Que fait le temps dans cette histoire ? Nos mots, passant au travers des ondes et des câbles, l’ont étiré. Notre rencontre, entre rires et désirs, l’a concentré en une bulle chaude, voilà qu’il s’étire à nouveau, lentement, dans ce moment doux et nostalgique d’après l’amour.
Revienne le temps, est-ce possible, de nos mots voyageurs, filant tout colorés de nos doigts à nos yeux, traversant les murs, les prairies, les bois, et glissant en longs vols planés au-dessus des fleuves et des rivières avant de venir se poser sur nos écrans, petits pixels vibrants.
Nous nous sommes trouvés et rencontrés. Trouvés à peu près, là où nous nous attendions, rencontrés là où nous ne nous attendions pas du tout. Peindre l’éclat de ton rire de gamine autour de ton corps de femme. Ta bouche est douce et patiente, merci Toi.
A te lire,
P’tit mec.

ZK

Zfirin Kopec