Destination : 2 , En route vers l'Afrique.


Kuandé, Bénin, le 25 novembre

Soeurette,

L´harmattan souffle fort ce soir. Il assèche tout sur son passage. Je viens
de me réfugier dans ma chambre. Ce repos, même forcé est tellement rare
qu´il est le bienvenu. J´ai quitté Cotonou il y a deux semaines pour rejoindre le
village de Kouandé, en plein pays Somba, dans la région montagneuse de l´
Atacora (c´était notre petite séquence géographie!). 600 kilomètres
d´un voyage épique. J´ai rejoint deux autre membres de l´équipe dans un
taxi-brousse, une authentique guimbarde délabrée qui avait laissé calandre,
pare-chocs et phares dans d´autres équipées sauvages. Sur le toit, un vrai
bataclan : un matelas, des meubles, des bidons de plastiques. Notre chauffeur
déménageait sa cousine !! Des heures à rouler dans ce tacot de fortune. Le
bruit assourdissant du moteur, les nuages tourbillonnants de latérite, les
taxis-motos qui déboulaient de droite et de gauche, la piste de campagne
bardée de crevasses et de nids de poule, notre chauffeur qui s´entêtait à
maintenir un bon 80/km de moyenne ! La vieille Peugeot déglinguée criait
grâce de tous ses boulons, elle grinçait de tous ses gonds et pourtant nous
sommes arrivés à bon port, éreintés, mortifiés et...vivants !

Le projet de rénovation de l´école a déjà bien avancé. Enfin,
l´école, un hangar ouvert à tous vents au fond du village où les rares élèves étaient
assis sur des briques et où les paysans n´hésitaient pas encore, il y a
quelques jours à entreposer leur bétail !! Martial, le chef d´équipe a
remis un peu d´ordre en installant du matériel scolaire : des tables, des bancs,
des stylos et nous sommes en train de terminer un mur d´enceinte autour du
hangar. Nous attendons toujours les livres, les craies et les ardoises que
nous a promis le centre culturel français. Apparemment, çà coince au peu au
niveau administratif. Alors, en attendant, on se dépatouille. Je travaille
avec une femme béninoise, une Peul, qui prendra en charge la direction de l´
école. Les enfants ont commencé à revenir à l´école. Majoritairement des
fils et filles d´agriculteurs (ici on cultive l´igname et le sorgho). Bien sûr,
il a fallu convaincre âprement les parents du bien-fondé de notre action mais
j´ai l´impression que nous sommes les bienvenus dans cette démarche. En
attendant ces précieux livres qui serviront de support essentiel dans l´
apprentissage de la lecture et l´écriture, nous avons commencé l´
enseignement par l´étude de l´hymne national. Très beau, très puissant,
plein de messages forts.

Tes monts ensoleillés, tes palmiers, ta verdure,
Cher Bénin, partout font ta vive parure.
Ton sol offre à chacun la richesse des fruits.
Bénin, désormais que tes fils tous unis
D'un fraternel élan partagent l'espérance
De te voir à jamais heureux dans l'abondance.

C´est le troisième couplet. Je trouve qu´il correspond complètement à ce
que je suis venue chercher ici.
Tu sais, j´ai retrouvé sur place Frédéric, le Montpelliérain rigolo. Il
ne peut s´empêcher de s´immerger complètement dans la culture du pays
qu´il traverse. Il s´est mis au balafon, une espèce de xylophone fait en lames de
bois et de calebasses. Nous souhaitons tous que cette passion reste éphémère
! Les habitants du villageois, rient beaucoup !

Mardi dernier, Martial nous a tout de même offert une après-midi de repos et
nous en avons profiter pour sillonner les environs Nous avons surtout visité
des Tata-Somba. Ce sont des habitations typiques de la région, des maisons,
fortifiées à étages, en terre, sans fenêtre, enduites d´argile et de
bouse de vache. Elles servent d´abris aux hommes comme aux animaux et aux récoltes.
Martial, notre monsieur Erudit m´a précisé que la maison doit toujours
tourner dos au mauvais côté avec une prépondérance donnée au Nord et au
Sud.
Tout ce qui est féminin est le plus souvent relégué au nord. Le sud est
réservé aux hommes. Et c´est assez drôle, j´ai trouvé que ces maisons
ressemblent un peu à celles du Sahel. (c´était la rubrique culture !!).

Concernant tes démarches pour nous faire parvenir du matériel scolaire, j´
espère que çà avance et que tes demandes rencontrent un écho favorable. Si
tu as besoin de documentation sur l´association, n´hésite pas à
t´adresser à madame Duchemin.
Je n´ai toujours pas écrit à Maman. J´ai encore du mal à m´expliquer
sa réaction épidermique quand je lui ai annoncé ma décision d´aller
travailler pour une association humanitaire. Si tu la vois, embrasse-là pour moi. Je
finirai bien par trouver les mots justes de la réconciliation. J´aimerais
tant qu´elle partage ma joie de me sentir utile, d´avoir l´envie et les
moyens de faire un peu bouger les choses et les gens, d´offrir de l´espoir
à ceux qui n`ont pas souvent le bonheur à portée de main.
Je t´embrasse tendrement, soeurette.

Isabelle