Destination : 32 , Premiers instants


Premiers instants

Je ne me souviens pas vraiment, il s'agit plutot d' impressions, de vagues

images que j'ai contrefaites a force de vouloir m'en ressaisir. J'ai ouvert

les yeux, dans ce lit d'hopital, et il y avait mon père, assis sur une

chaise, qui me veillait. Je l'ai reconnu sans le connaitre, et je me suis,

de la même manière, reconnue. Je n'ai pas cherchée à analyser ces sensations

une douleur me vrillait le cou, et mon monde se limitait à mon corps

douloureux et aux besoins qui pourraient m'apporter plus de bien être. J

etais grande, et j'etait petite. J'opérais en moi une curieuse descente, un

retour primitif, solitaire et bilieux. Le temps se morcelait, il se lançait

comme par à-coups, se dévidait à la manière d'une bande vidéo, avec des

alternances de modes "pause", et de modes "lecture". Et peu importait après

tout ces bouts de présences : je ne vivait que l'instant. Le futur n'etait

jamais vraiment sérieux, et le passé jamais vraiment tangible. Au milieu de

ce brouillard, il y avait les gens. Je ne comprenait pas ce qu'ils voulaient

ou ce qu'ils ressentaient, je ne devinais pas ce qu'il pensaient. Et puis je

m'en moquais, ou plutot je ne me rendais pas compte que quelque chose me

manquait. Il fallait mettre une seconde après l'autre, et c'etait déjà assez

difficile. Qui étais-je, est-ce que j'etais cette personne dont je me

souvenais, et que j'allais rattraper un jour, au détour d'une rue, lorsque j

irais mieux ? Est-ce que j'avais changée, irrémédiablement ? Est-ce que je n

etait que ce vide, cette brume confuse et vindicative, et que les gens

semblaient persister à considérer comme une continuité ? Est-ce que j'avais

le droit de dire que je n'était plus moi-même, quand les apparences

semblaient me donner tort, quand j'étais là, capable de parler, de rire, de

bouger comme avant ou presque, de me remémorer des évènements commun, de

faire vivre mes envies, de manger et de dormir...

Il y a ce vide dans ma tête, absence de souvenir, sur les semaines précédant

l'accident. Puis le réveil, la brume, et la lente marche vers la

reconstruction. Parfois j'ai l'impression que ma vie n'a pas commencée au

jour de ma naissance. Elle a commencée dans ce lit d'hopital, lorsque j'ai

ouvert les yeux, que la douleur vrillait mon cou, et que mon père veillait a

mes cotés.

Spleen