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Le cri de l'Argus

Ah mon gentil petit JF, tu me tentes bien avec ton cri, franchement !
C’est un vrai appel au meurtre, à la crucifixion !
Mais je vais me retenir, je ne céderai pas à l’appel de la sirène dont le ramage si convainquant me conduirait à des débordements qui en amèneraient certains ou certaines à pousser de hauts cris bien sentis et à réclamer à cor et à cris mon exécution
Il semblerait toutefois qu’il soit de bon ton et du dernier cri de se répandre avec componction sur ses états d’âme. Avec un rien d’affectation mais beaucoup de fautes d’orthographes ou de grammaires, trois sous de vacuité, nous devons supporter les introspections. Aie, ça y est, j’entends ceux qui vont au cri, au cri du cœur. Oui, j'ois leurs hauts cris d’orfraie.
Le voilà donc le cortège des gémissements, lamentations, plaintes, réclamations, récriminations, sanglots. Ainsi, je ne parlerai que du :

Cri de l’Argus.

Vendredi dernier, dans la revue « le continental », un sondage sur le tourisme dans la péninsule indochinoise, est paru en dernière page.
Une majorité de voyageur souhaite aller dans les marais thaïlandais, au moment de la parade sexuelle de l’Argus, oiseau exotique très rare à surprendre dans ces moments intimes.
Notons tout d’abord que, comme dans de très nombreuses espèces, l’apparence de la femelle est modeste. Son plumage moucheté de grivelures discrètes, lui permet de passer pratiquement inaperçue.
On ne peut pas en dire autant du mâle. Dès sa naissance, il fait déjà tout ce qu’il faut pour attirer l’attention sur lui ( attitude qui concerne aussi de très nombreuses autres espèces…)
La vie de l’Argus est parfaitement au point. Il va nicher tous les soirs dans le même dortoir et se nourrit dans la même cantine chaque jour( je me permets de rappeler au lecteur que de très nombreuses espèces sont etc., etc…) De même le mâle parade en un lieu immuable.
L’argus est un de ces oiseaux dont les plumes chatoyantes parsemées de taches irisées appellent irrésistiblement le regard et passent pour avoir des vertus hypnotiques. Quand le moment crucial arrive, on perçoit la nervosité de l’animal. A peine voit-il sa bien aimée que son comportement devient graduellement compulsif. La parade nuptiale commence. Déployant le merveilleux plumage de sa traîne, il le fait frémir par petits à coups et se pavane devant la belle. Il se penche et se redresse par saccade. Cela laisse les femelles parfaitement indifférentes car elles savent bien que toutes ces simagrées ne proviennent que de la nécessité de lutter contre la prise du vent. Donc il peut bien faire le malin et continuer à s’agiter : s’il s’arrête, il dégage... !
Devant tant de mépris, l’Argus lance alors un puissant appel dissyllabique et trompetant qui provoque chez la femelle une surdité temporaire et un état de nerf proche de l’apoplexie. Ce cri ne laisse à la pauvre créature aucune latitude de refus, ce qui l’amène à se placer sous la coupe du mâle (si je
peux utiliser cette image délicate). Je laisserais dans l’ombre des fourrés la suite des ébats.
A noter encore qu’en plus de l’extrême ressemblance de cette espèce avec d’autres bien connues, l’Argus est impitoyablement chassé pour son plumage bien sur mais aussi pour sa chair qui entre dans la recette du flan indien dont les vertus thérapeutiques sont largement connues.

corinne