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Destination : 319 , Voyages depuis chez moi

Chez lui, chez moi

Lorsque j’entre dans son appartement, le vide à peine meublé qui m’accueille, révèle que soit il vient d'emménager ou qu'il est sur le point de quitter les lieux.

Mais commençons par le commencement.



Le propriétaire de l’appartement, dans lequel je viens écrire, habite le bâtiment juste en face du mien et nos balcons se font face.

Je ne connais absolument rien de cet homme sauf, qu’à 8 H chaque soir, depuis le confinement imposé par l’épidémie du coronavirus, on tape chacun de notre côté sur une casserole en soutien aux soignants.

On se fait aussi des signes d’amitié.

Il s’astreint à des exercices physiques, assez poussés, sur son balcon et moi j’écris sur le mien.

Un matin, il a exhibé une pancarte sur laquelle il avait écrit, en gros chiffres, son numéro de téléphone portable en m’invitant, avec un langage de sourds-muets, à l’appeler.

Why not ?

La conversation fut très amicale. On s’est tout de suite tutoyé. « Comment avance ton écriture ? » « À reculons. J’ai encore déchiré toute la production d’hier. Je n’ai pas le moral » « Et si tu venais écrire chez moi ? Je pars à La Rochelle enterrer mon oncle. Je suis le seul survivant de sa famille. Je finirais le confinement là-bas. Tu en profiteras pour arroser les plantes. Je te mets un double des clefs dans ta boite aux lettres : Lésia Casanova. C’est bien cela ? » J’ai eu un léger étonnement : Je ne me souvenais pas lui avoir donné mon nom.



Revenons à son appartement. Il est semblable au mien en surface et en distribution des pièces. Mais, bizarrement, il semble plus lumineux et plus grand. Lui, avait pallié au manque de clarté de la petite entrée en tapissant le mur d’un vaste miroir qui donne l’impression de débarquer avec un être jumeau.



Chez moi, on peut admirer deux papyrus égyptiens, dans leur cadre doré. L'un montre un pharaon enfant chassant des canards sauvages, l’autre représente le même gracieux pharaon recevant des présents de dignitaires, suivis d’esclaves.

Ah ! la descente du Nil … tant de lenteur poétique.

Ensuite dans le couloir qui mène soit aux chambres soit à la cuisine et la salle à manger, j’ai fait installer une longue bibliothèque où trônent mes livres de peinture, sculpture et photographie.

Quelques statues africaines en bois veillent sur mes trésors. Je suis une passionnée de ce qu’on nomme "l’Art Nègre" avec une faiblesse pour la statuaire du Bénin et du Congo. La perfection dans une apparente simplicité.



Chez lui, rien, un vaste rien, ne masquant pas une jolie couleur des murs vert d’eau, apaisante.



J’ai meublé ma cuisine avec des éléments en bois brut, couleur miel, de chez Habitat. Je suis fière de ma cuisine. Mes amies m'ont complimentée.

Sur le mur, entre deux éléments, on peut voir une reproduction d’un tableau de Zhou Jun, un peintre contemporain chinois, qui avec juste quelques touches de couleur, a inventé deux oiseaux sur une branche de cerisier.

La calligraphie que d’essais infructueux … !



Chez lui, le stricte nécessaire. On devine l’amateur de pâtes et de conserves. Je reconnaissais sur l’unique et longue étagère « la casserole de 8 H ». Même dans une cuisine de couvent, que j’avais pu visiter, l’atmosphère était plus conviviale.



Dans mon vaste salon-salle à manger, encore des bibliothèques : livres de voyages, livres d’histoires, des revues sur la nature : fleurs et plantes, oiseaux du monde entier, plusieurs ouvrages sur les félins.

J’avais été très marquée par un safari photos au Botswana : Vers la fin de la journée, notre jeep avait été soudainement repérée par trois lionnes. Coup de chapeau au sang froid du chauffeur et à l’accompagnateur qui n’avait pas eu à se servir de son fusil !

Ajoutez des tables, des chaises, des fauteuils et un canapé. Tous ces objets soigneusement choisis. Au mur, toiles et tableaux achetés ou donnés par des artistes amis.



Chez lui, une pauvre table, une chaise inconfortable mais, tout de même, un vieux fauteuil de cuir foncé qui semble presque incongru dans ce décor digne de celui d’une prison.

Au mur toujours cette couleur vert d’eau, si calmante.



Je renonce, sagement, à visiter le reste de l’appartement et je ne me lancerais pas dans la recherche de plantes à arroser.



Je m’assieds sur la chaise inconfortable. Je sors de ma sacoche mon cahier et mon stylo et j'écris.

Les phrases arrivent en flux rapides. Les images apparaissent nettement. J’écris joyeusement, intensément.

Je lève la tête, le jour se retire sur la pointe des pieds.

Je ferme le cahier, pose le stylo et caresse la pauvre table.

EVELYNE W