Destination : 166 , Présentations figurées
Cette baraque
Hein, tu veux acheter cette baraque ?
…
Celle-là, avec les volets bleus tout écaillés ?
Ben oui, regarde, la toiture est encore solide...
La toiture, peut-être, mais la charpente, tu l'as vue la charpente ?
Je ne l'ai pas vue mais ils m'ont dit qu'elle était comme neuve.
Humm... C'est pas très grand, comme maison, ça ne paie pas de mine. Et à l'intérieur, c'est comment, tu as vu l'intérieur ?
Oui, j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'y entrer. Déjà, c'est facile d'accès, de plain pied, on entre directement dans la pièce principale.
Mais elle est plutôt isolée cette maison, il n'y a pas de voisins à moins d'un kilomètre à la ronde ! Mes copains ne voudront jamais venir dans cette cambrousse!
C'est une maison tranquille, mais ils m'ont dit qu'ils la vendaient toute meublée, avec surtout la bibliothèque qui contient quelques centaines de livres. Avec ça, on ne risque pas de s'ennuyer.
Toute meublée ! C'est trop personnel, ça, les buffets, les armoires, les bibelots, les tapis, les tableaux...
En fait, il n'y a presque rien comme meubles, le minimum pour vivre confortablement, table, chaises, canapé, placards intégrés, du blanc, du gris, du noir. Ah! J'oubliais, il y a aussi un grenier avec un sacré fatras, mais j'adore fouiller les vieux greniers, qui sait ce que l'on peut y trouver ?
Des vieilleries, évidemment ! Ou peut-être un fantôme ! Manquerait plus que ça, un fantôme, en plus des gosses et de ton chien ! Bon, c'est quand-même très modeste, tout ça ! J'aurais voulu quelque chose de plus moderne, plus classe, je ne sais pas moi … C'est très quelconque, par, ici !
…
Cette baraque, tu sais, je la vois très bien pour ta mère, d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi, elle me fait penser à ta mère. Ici, j'aurais l'impression de vivre chez ta mère !...
Anna n'a pas répondu. Elle est revenue quelques jours plus tard, seule, pour visiter la maison. Un chat est entré avec elle et l'a suivie. Elle a pris le temps de feuilleter quelques livres de la bibliothèque : Marguerite Duras, Simenon, Proust... Au plafond, une araignée de bonne taille tissait méticuleusement sa toile. Anna est restée un moment dans le grenier poussiéreux, installée dans un vieux fauteuil et le fantôme est apparu peu à peu; il était assis sur une pile de vieux Charlie hebdo, dont on apercevait la couverture au travers de son corps diaphane. Ils on discuté un bon moment et ils ont décidé qu'elle viendrait vivre ici avec « ses gosses » et le chien. Le chat avait l'air d'accord.
Quant à Sébastien, il trouverait certainement quelque chose de plus classe en centre ville, sans fantôme.