Destination : 201 , Nouveau départ
Dissolution
Il lui fallait trouver une idée…
Depuis que la police secrète de l’île avait ordonné la disparition de tous les livres, son souffle se faisait de plus en plus court, et Yoko respirait maintenant à grand-peine.
Avant les évènements, son activité principale était l’écriture. Sa passion pour les mots remontait à plusieurs années. Lorsqu’elle était encore au lycée, elle s’était engagée dans la rédaction d’un roman sous les conseils de son professeur de lettres, Monsieur Rho. Un jour, un lundi, elle s’en souvient très bien, Monsieur Rho l’avait interpellée à la fin du cours. « Mademoiselle, votre écriture a quelque chose de particulier. Les mots semblent venir à vous avec une facilité déconcertante. De plus, il émane de vos écrits une sensibilité qui touche le cœur du lecteur. Mes collègues partagent mon avis. Vous ne pouvez pas en rester là, allez donc vous inscrire à l’atelier de plume. Vous en tirerez grands bénéfices » Extrêmement intimidée, elle s’était donc rendue au local qui hébergeait l’association. Pour la première fois de son existence, elle avait le sentiment d’être une personne à part entière. Pas un pion dans la foule, non, mais une véritable personne pouvant apporter des émotions, pouvant intéresser d’autres êtres humains. Et cela lui était terriblement effrayant. Car au fond d’elle étaient tapies deux questions « Suis-je vraiment digne d’intérêt ? Serais-je à la hauteur de ce que l’on attendrait de moi à l’atelier de plume ? »
Cette année sonnait pourtant pour Yoko un nouveau départ puisqu’elle se solda par la publication de son premier roman qui remporta un vif succès. D’autres ouvrages suivirent, appréciés eux aussi des lecteurs.
Après quelques années, la jeune femme parvenait à vivre, même si modestement, de ses écrits.
Et puis les évènements s’étaient produits sur l’île, ceux dont on ne devait surtout pas parler, sous peine d’attirer les foudres de la police secrète. Les choses commencèrent à disparaître. Des choses insignifiantes dans un premier temps, puis des objets plus importants . Jusqu’à ce fameux jour où la population se trouva dans l’obligation de brûler tous les livres, puis toute feuille de papier. Ensuite se fut au tour des stylos et crayons de disparaître. À partir de ce moment, Yoko n’eut plus les idées claires. Elle vivait dans un brouillard mental permanent et n’était plus parvenue à concevoir la moindre idée pour sortir son île de cette horrible situation. C’est comme si, dès lors le dernier morceau de papier brûlé, ses pensées s’étaient cristallisées dans son cerveau. En jachère, le cerveau. Plus rien. Le grand désert. Souffle court… Raréfaction de l’air… Disparition de l’oxygène… Exit la vie… Se revoir… Ailleurs… Peut-être…. Autre vie… Nouveau départ…