Destination : 397 , Illusions & désillusions
Le train de la désillusion
Sifflet dans la bouche, je suis prête à donner le signal de départ du train de la désillusion.
A son bord, j’ai fait monter, avec tristesse mais fermeté, l’Amour. Il était pâle, triste et maigre. Un vrai héro romantique russe. Il balbutiait : « Vous êtes vraiment certaine, vous n’allez pas me regretter ? Je peux rester encore un peu, vous savez »
« Non ! » J’ai crié, en le poussant violemment à l’intérieur du wagon. Mais je tremblais un peu.
Puis, sans aménagement, je fais grimper :
La Confiance et la Foi. Elles se tiennent le bras comme pour se soutenir.
De vraies pauvresses aux chaussures éculées, avec des bagages de carton bouilli. Elles m’ont regardé avec de grands yeux vides et murmuré « Vous vous trompez mais nous respectons votre choix. Nous ne nous imposons jamais ». « Ben voyons ! » J’ai répliqué. « Allez, allez, montez ! »
En groupe serré, se sont présentés : la Générosité, très enrhumée, éternuant sans cesse, l’Admiration, le menton haut, mais la mine blafarde, qui parlait à voix basse à la Vérité, qui écoutait d’une oreille distraite, le dos très voûté.
La Vérité et l’Admiration se sont engouffrées sans un dernier regard. La générosité, elle, a protesté : « Mais enfin, ce n’est pas possible, pas moi. Je peux encore faire de belles choses. Je vous assure ! » et elle éternuait, éternuait …
Soudain a foncé vers moi l’Amitié, un vrai costaud, en marinière, style Popeye mais en plus joli garçon. « J’ai reçu ton injonction à me présenter au train de la désillusion. Es-tu devenue folle ?. Je sais bien que tous ceux que tu fais monter dans ton train de la désillusion ont beaucoup de choses à se reprocher, mais enfin tu es la seule fautive. Cette manie d’espérer toujours mieux du destin. Un peu de réalisme ma vieille ! Un peu de simplicité, ! Regarde la vie avec le détachement du chat, la bonhommie du chien, la hauteur de l’oiseau ».
Et voilà mon Popeye de service qui fait descendre du train tous les passagers, réconfortant plus particulièrement le pauvre Amour très mal en point.
Puisque j’ai le sifflet dans la bouche, je siffle cela me donne une contenance.
Le train de la désillusion, vide, s’ébranle en rouspétant puis disparaît.