Derniers textes publiés :



Destination : 106 , Fabuleux fabliaux !

Fabliaux

Damoiselles, damoiseaux,

Petite gens ou Nobliaux,

Approchez, venez, écoutez voir :

Je vais vous raconter une histoire.



C’est la triste mais non moins vraie

Mésaventure de Jean le Benêt,

Curé de la paroisse de Saint Flon-Flon,

Trente âmes, cinquante vaches et vingt-cinq cochons.



Cette année-là, un hiver clément,

Avait précédé les pluies de printemps

Les récoles seraient peut-être modestes

Mais garderaient à l’abri de la disette.



Notre ami Jean, tout jeune curé

Sorti du séminaire, ardent et exalté,

Arrivait dans sa nouvelle église,

Plein des idéaux d’une terre promise.



Il se voyait déjà, du haut de sa chaire,

Prêchi-prêchant le dimanche, auprès d’âmes austères,

Qu’il n’aurait pas de mal à tenir dans sa main,

Par la grâce de Dieu… et la peur de Malin !



Comme tout bon curé, il s’attacha les femmes,

Séduites par la fougue d’oraisons tout feu, tout flammes

Elles venaient souvent, et pour de longues heures

Se réjouir du spectacle du curé plein d’ardeur.



Bientôt les hommes, piqués de jalousie,

Vinrent avec les femmes, charmantes compagnie,

Moins pour écouter les prêches inspirés

Que pour surveiller les gestes de l’innocent curé.



Celui-ci se réjouit de susciter tant de piété,

Ne doutant pas un instant de son habileté

A convertir les âmes les plus réticentes

Par le seul pouvoir de sa foi éloquente.



Convaincu de lui-même et de son grand talent,

Il pensait en secret : « Que c’est rageant !

Quel gâchis de me perdre dans ce trou rural

Je devrais être évêque, ou même cardinal ! »



Voulant faire reconnaitre son art et son talent,

Il se mit à courir les châteaux élégants,

Et réussit enfin, à renforts de salamalecs,

A faire venir, en son Église, Monseigneur l’Évêque.



Il lui promit une foule enthousiaste et docile

Écoutant béatement toutes les évangiles,

Hommes et femmes, convaincus par la foi,

Rivés à leur curé, comme le Christ sur sa croix.



Malheureusement pour notre bon ami,

Ce jour qui devait être de Gloire et d’Euphorie

Était aussi celui de la Sainte Lessive Annuelle

Et tous, hommes et femmes, ignorèrent la chapelle.



C’est au bord du ruisseau qu’ils prirent rendez-vous,

Le linge dans les bras, les batteuses à genoux,

Les enfants jouaient dans les prés environnants,

Dans une communion de savon et de bains moussants.



Dans l’Église déserte, ne restaient que trois vieilles,

Trop âgées pour aller s’échauffer au soleil,

Elles préféraient l’ombre et la fraicheur de l’Église :

Ce furent les seules témoins cette belle sottise.



L’Évêque, furieux de ce battage inutile

Repartit promptement sans attendre un concile,

Tandis que notre naïf et prétentieux curé,

Gagnait à jamais son nom de « Jean le Benêt ».



Faut-il une morale à ce malheureux récit ?

Ce me semble inutile, mais puisque c’est ainsi,

Disons que la bêtise est sœur de l’ignorance,

Faisant de l’orgueil, le frère de l’arrogance.

myriam